Re-coucou.
Comme je racontais dans mon précédent article, j’ai eu une super idée.
« Ça vous
concerne »
(suite)
Faisons éclater l’abscès du suspens, et dévoilons ses purulentes sécrétions.
Je vais vous le faire sous forme de corporate advertising bullshit :
(Collez ici une image tirée des sketches de Message À Caractère Informatif)
Dans le monde de le travail de la n’entreprise, des quantités importantes de courriels sont échangées en temps réel. Comment jongler avec toutes ces informations ? Comment s’assurer de retrouver de manière rapide et juste l’essentiel qu’il vous faut ? Cela vous deviendra très facile, avec l’alerte de concernabilité. Ce nouveau plug-in, enfichable dans votre solution de messagerie existante, ajoute un indicateur supplémentaire à votre tableau de bord initial. celui-ci renseigne le niveau de concernabilité du courriel sélectionné.
3 seuils sont identifiés :
- le courriel vous concerne de manière directe.
- le courriel vous concerne de manière indirecte, ou ne vous concerne pas.
- le courriel ne vous concerne pas du tout.
Notez l’utilisation du mot « courriel » dans mon propos. Ça fait nouvelle technologie, et en même temps respectueux des valeurs françaises. Youpi ! Votez à droite !
Cela est biau. Et concrètement ?
Pour un mail reçu, si votre adresse est dans le champ « destinataire », vous verrez ceci :
Si votre adresse n’est pas dans les destinataires, mais seulement en copie, le gros texte rouge sera remplacé par ceci :
Vous remarquerez que pour cet exemple, j’ai choisi Outlook comme « solution de messagerie ». Ce n’est pas anodin. Dans l’informatique corporate, le ringard, c’est la mode, donc on utilise Outlook. Cette mode est valable aussi, et surtout, pour les entreprises dont l’informatique est le cœur de métier.
Et la 3ème possibilité alors ? Comment faire pour avoir un rond vert associé d’un message « Ça ne vous concerne pas » ? Oh, eh bien, euh… Ça n’arrive jamais, car il s’agit de tous les mails que vous ne recevez pas. Si vous ne les recevez pas, c’est bien qu’ils ne vous concerne pas, non ? Déductez un peu par vous-même, que diable !
Décortiquage détaillé
On retrouve, dans cette magnifique fonctionnalité, les trois critères corporates cités dans mon précédent article.
L’abondance de communication par la répétition
Dans notre monde mondial de maintenant, il est indéniable que le fait d’être en destinataire ou en copie d’un mail n’a pas le même sens. Mon idée met ce sens en évidence.
Les outils existants (transmission de mails, historique, envoi à plusieurs utilisateurs, …) répètent la matière de travail dans son entièreté. Moi, je me contente d’en répéter une caractéristique, et de l’exprimer d’une autre manière. Ce n’est pas aussi rigolo ni aussi débile, mais l’important, c’est que ce soit de la répétition.
Les outils informatiques crétins
On est en plein dedans. Pas la peine de creuser loin pour s’apercevoir que mon idée est totalement inutile. Un point important : le superbe indicateur doit occuper une partie conséquente de la fenêtre. Il n’y a jamais assez de bordel superfétatoire sur votre écran. D’ailleurs vous y ajoutez même des post-its.
On aurait pu imaginer quelque choses de presque intéressant : dans la liste de vos mails reçus, on ajouterait une colonne pas trop large, reprenant l’indicateur de concernabilité. Ça prendrait peu de place, renseignerait chaque mail et on verrait tout d’un seul coup d’œil.
C’est donc à ne surtout surtout pas faire ! Le risque que quelqu’un, quelque part, y trouve une quelconque utilité est bien trop dangereux.
Les assertions violentes
« Ça vous concerne »… Vous vous sentez pas un peu intimidé quand vous lisez cette phrase ? C’est d’autant plus drôle que c’est une machine qui le dit. Admirez la très grande force du mot « ça », puisant ses racines dans le fait que la machine n’a aucune idée de ce dont elle parle. L’impact agressif aurait été bien plus faible avec une formule telle que « ce mail vous concerne ».
Le « Ça ne vous concerne peut-être pas » est également très amusant. Le but premier d’une assertion, c’est de balancer une phrase en pleine gueule, qu’il est interdit de contester. Ici, le mot « peut-être » annule complètement la certitude, tout en laissant la violence. Le propos devient totalement ridicule : « Je suis sûr à 100% de l’incertitude de ce que je vous dit ». Hahaha.
Ce qui existe déjà
disgression
Quand j’étais jeune, je lisais des revues super cools genre Astrapi, Okapi, Sciences et Vie Junior … On pouvait parfois y lire des articles expliquant comment le futur serait trop génial, avec des descriptions de tout un tas d’objets über-bien qui nous faciliteraient la vie. (Les voitures volantes avaient une place de choix dans cet über-bonheur). À la fin, on y trouvait souvent une petite rubrique intitulée « ce qui existe déjà », présentant des embryons d’objet aïe-tech.
Je vous propose la même chose ici : Un bref aperçu de la débilité existante et amusante, rencontrée ici ou là. Le futur, c’est déjà maintenant !! (Slogan piqué au salon de l’auto, sauf qu’eux ils le disent avec sérieux. Lolilol !)
Un sourire à l’Excel-ence
Mon chef de couloir maintient un gros fichier Excel listant les projets en cours, et leur état d’avancement (ça commence bien). La case « A1 » contient un smiley content ou pas content. Il dépend d’une formule qui dépend d’autres formules, qui etc. On m’a parfois demandé de consulter ou de modifier ce fichier. Je n’ai jamais compris ce que signifiait ce foutu smiley. Je devrais peut-être poser la question. C’est peut-être à moi de faire le premier pas. Mais là j’ai pas envie.
Maintenant je sais que je ne peux pas savoir ce que je dois savoir
Le jour de son embauche, un pote à moi, ouvrier-codeur aussi, s’est connecté à son n’ordinateur de le travail. Il a vu, parmi le fatras d’icône du bureau, un lien pointant vers une page web de l’informatique interne. Celui-ci s’intitulait « ce que vous devez savoir ». Mon pote s’est dit : « cool, ça doit être une sorte de document d’accueil pour les nouveaux arrivants, avec des consignes et tout. Allez, je suis curieux et motivé. Je l’ouvre ! » Il est tombé sur une bonne vieille erreur 404. Assertion violente. inutilité.
J’annonce un site d’annonces
Quelqu’un de Brouillis Consulting (ma boîte), a décidé de lancer un service interne de petites annonces. Bien joué. Je me permet de préciser que même avant qu’internet n’existât, il y avait déjà des sites web spécialisés dans ce domaine. (Ah c’est n’importe quoi ce que je dis, tant pis, on le garde). Si encore, c’était des petites annonces pour organiser du covoiturage, ça pourrait servir. Au sein (nichons!) d’une entreprise, on a en effet de grandes chances de trouver des gens qui se déplacent dans les mêmes endroits. Mais là non, c’est que pour des achats et des ventes.
La personne qui s’occupe de ce génial service a tout bien fait comme il faut. Il y a un modèle de mail, avec marqué Achat/Vente (il faut supprimer la mention inutile), différentes catégories d’objet, et un champ description, avec plein de « xxxxxxx xxxxxx » pour bien montrer que c’est là qu’on doit écrire (n’oubliez pas d’enlever les X, hi hi hi hu hu). La personne a même rédigé un petit document Word pour expliquer comment poster une annonce. Le tout est centralisé, bien evidemment, dans un fichier Excel. On est combien dans cette boîte déjà ? Oh, une cinquantaine. Ah ben top-choucroute alors.
Et merde, c’est pas juste ! Pourquoi est-ce qu’on ne m’attribue jamais ce genre de tâche ? Moi aussi je veux pouvoir servir à rien dans mon entreprise ! Moi aussi je veux faire des trucs débiles ! Au lieu de ça, je me coltine du travail d’ouvrier-codeur sérieux ! C’est peut-être de ma faute. Je suis plus intelligent que tout le monde. Alors forcément, on profite de mon cerveau. Si j’avais été moins con, je me serais arrangé pour devenir con, et on m’aurait confié des trucs à la con dans lesquels j’aurais pu glander. Ah que le monde est cruel.
L’allégorie de la fin
Les entreprises ont tendance a oublier leur cœur de métier, le truc qu’elles savent vraiment faire et qui leur permet de gagner de l’argent. Elles s’auto-submergent d’un fouillis fourmillant de petites fonctionnalités inutiles. Les entreprises deviennent alors des structures énormes écrasant leurs propres employés. Pour l’allégorie, consultez l’image ci-dessous.