Ça faisait longtemps que j’avais pas fait de gros résumé corporate. L’embêtant, c’est que la boîboîte où je Travaille actuellement produit peu d’événements propulsé par cette doctrine. On fait parfois des bouffes ensemble le midi, et des « journées entreprises », mais la quantité de jus corporate que je peux en extraire est actuellement insuffisante pour en faire un résumé suffisamment conséquent.
Heureusement, en raclant du fond de tiroir, j’ai retrouvé un récit amusant datant de ma « vie » d’avant Merluchon. (J’aime bien dire « vie » pour « période durant laquelle j’ai travaillé dans une entreprise donnée », là pour le coup c’est hyper corporate).
Je vous livre donc ce récit ici. Il date fortement (2007). Le contexte global était un week-end super sympa à Barcelone, « payé par la boîte ».
Journal de bord du capitaine Réchèr
Histoire d’un lent naufrage social
Vendredi
77:77 : Je rencontre Dieu, il me parle.
« Je te donne le pouvoir de nommer les choses et les gens que tu rencontres, comme je l’ai donné à Adam et Eve juste avant de les virer du paradis.
− OK. Toutes les choses se nomment « baratte ».
− Baratte ça, et je baratte ta baratte à baratte de baratte.
− Si on peut plus rigoler… Je vais juste renommer les gens, alors. Ça évitera des problèmes légaux si des collègues tombent sur mes textes.
− Barre-toi maintenant.
− Au fait, je pourrais avoir le code source du monde réel ? En tant qu’utilisateur, il me semblerait juste d’avoir un droit de regard et de modification sur le système dans lequel on m’a placé.
− Y’a pas de code source. Tout est régi par une seule équation très simple.
− Et merde.
− Oui, il y a ça aussi. »
14:39 : Monsieur Ion arrive avec sa super voiture et m’emmène au siège de la Boîte, pour pas que je rate l’avion à cause des grèves et/ou de mon cerveau. Ion, c’est mon chef. Une fois il m’a parlé de l’explosion d’un satellite provoquée par un ion qui a tapé sur une puce électronique et changé la valeur d’un bit. En dehors de ça il est assez générique.
15:26 : Shmi, l’organisatrice du voyage, me donne mon billet d’avion. J’ai décidé de l’appeler Shmi en l’honneur de Shmi Skywalker : la mère de Dark Vador donc la grand-mère de Luke bien que Dark Vador soit pas la mère de Luke. On sait pas pourquoi mais on s’en fout.
15:27 : Je récupère ma super chemise bleue clair avec marqué le nom de la Boîte dessus : « Gloubiboulga ». J’essaie de la plier pour la ranger dans mon sac (un baluchon jaune de terroriste dont je suis assez fier), mais ça fait n’importe quoi, même pas un avion ou une cocotte. Tant pis.
15:32 : je squatte un PC dans le bureau de monsieur Ion. Je fais semblant de faire des trucs sérieux genre de la veille technologique sur internet mais en fait je m’occupe de mon naufragé dans le jeu 650km. J’aurais mieux fait de ne rien faire, parce qu’un serpent géant m’a bouffé. Ce qui est chiant dans ce jeu, c’est que quand ton arme pète en plein combat, tu te retrouves à combattre en slip. Faudrait pouvoir choisir une arme de rechange, qui remplacerait immédiatement l’arme en main en cas de pétage.
16:12 : monsieur Ion, Shmi, Mochette, et plein d’autres gens essayent de trouver une solution pour rapatrier une certaine Orgasmine, bloquée par les grèves à Vaudeville, au nord de Paris. Y’a pas de taxis, pas de RER, et son mec est parti avec les deux clés de sa voiture. Bref, elle pleure, et au passage je découvre l’existence du concept de taxi-moto, même si personne n’arrive à téléphoner à ce concept pour sauver Orgasmine.
18:12 : je m’aperçois que des gens se vouvoient dans la Boîte, même en dehors de Poulet, le PDG. En tant que prestataire-ouvrier-codeur en mission perpétuelle, je ne connais personne, je décide donc que je connais tout le monde et que je peux tous les tutoyer. Sauf Poulet, à qui je ne parlerais pas de toutes façons.
18:13 : Poulet s’appelle Poulet en l’honneur du livre noir du consulting. Un texte déprimant trouvé sur Internet (http ://intoxconsulting.free.fr/).
19:20 : on a fait enregistrer nos bagages et on attend l’avion. J’ai toujours été étonné par le temps qu’on peut passer dans les aéroports, à attendre ceci ou cela. Partir en train c’est quand même vachement plus simple.
19:25: Je n’ai rien de spécial à faire. Je profite donc de ce moment de flottememt pour essayer d’avoir l’air conventionnellement normal. Je m’approche d’un groupe de collègues moches, et tente de sociabiliser avec eux en faisant des blagues vaseuses. Je m’en tire pas trop mal. C’est toujours plus facile de sociabiliser avec des moches, car ils ont de l’humour. Un moche qu’a pas d’humour est soit mort, soit un gothique (donc en instance de suicide).
19:30 : le hasard fait vaguement bien les choses, je suis assis presque au fond de l’avion, à côté d’un gros espagnol, lui-même à côté de madame EncoreUnPeuVerte. Poulet est à la rangée juste devant, seul. Tous les autres sont devant devant. Je n’aurais pas à me torturer l’esprit à chercher des choses intéressantes à dire pour faire genre j’ai de la conversation. J’en avais marre de sociabiliser.
19:35 : Les hôtesses de l’air font la traditionnelle chorégraphie de la macarena au milieu de l’allée. J’ai toujours adoré ce moment. On pourrait en faire un clip d’enfer. Ah, mais ça a déjà été fait (https ://www .youtube.com/watch?v=5u49QgFwVEQ).
19:40 : Je salue le courage et la gentillesse de madame EncoreUnPeuVerte, qui change de place pour aller parler avec Poulet. Les jours qui suivent révéleront que, socialement parlant, Poulet est un Africain lépreux du Tiers-monde atteint de la maladie de Kwashiorkor. Il parle pas, il regarde par terre quand il marche, il semble lutter sans jamais vraiment réussir pour dissimuler le fait qu’il se fait chier à ce séjour, et il a des tics bizarres. C’est rigolo. Est-ce le poste de PDG qui fait ça ou juste le personnage ? Je sais pas.
19:41 : Moi si j’étais Poulet, y’a longtemps que j’aurais revendu mon entreprise à des japonais et que je serais parti à la retraite dans une vieille maison en pierre dotée d’une connexion Internet. Éventuellement, j’aurais tué un ou deux employés, pour revendre leurs organes et m’acheter un aquarium géant avec 50 poissons rouges, ou mieux : des jeux vidéos.
20:30 : Shmi nous donne le programme du week-end. C’est amusant, tous les plans imprimés sur la feufeuille viennent de Google Maps. L’informatique change notre vie et moi je veux une glace.
20:47 : On descend de l’avion. On a déjà perdu quelqu’un. Il n’est pas avec nous et personne ne se souvient l’avoir vu durant le vol. Cette personne s’appellera donc « Boulet ». Je suis super content que ce soit pas moi. Voir des gens autre que moi faire des conneries et se rendre ridicule m’a toujours rendu vraiment vraiment heureux et libre. Mon cœur se réchauffe.
20:53 : on récupère les bagages, ainsi que Boulet. On sait pas d’où il est sorti, peut être de la soute. Zut. du coup Boulet n’est pas suffisamment un Boulet pour que ça puisse me réchauffer vraiment le cœur.
20:56 : bide numéro 1. Je tente de sociabiliser avec Shmi, je dit que je suis déjà allé à Barcelone et que je connais les coins où y’a des prostituées. Ça la fait pas rire, parce qu’elle est pas moche. On m’avait dit que ce type d’information culturelle ferait de moi l’homme le plus important du voyage, eh bien non en fait.
20:58 : Je repère les gueules des mecs de haute taille, ce qui me permettra de retrouver plus facilement le groupe si je me paume.
21:42 : On arrive à l’hôtel. Surprise ! C’est pas du tout le Barcelono Santo comme annoncé. Étrangement, la description ne correspond pas à celle donnée dans un précédent mail de Shmi : pas de « 35 boutiques accessibles depuis un ascenseur », pas de « multiples appareils cardiovasculaires » et le « cybercafé » est juste un ordinateur payant doté d’une connexion à l’arrache (rappelons qu’on était en 2007). Je me venge en leur prenant plein de bonbons.
21:43 : J’apprends qu’on est deux par chambre. Je flippe ma race à l’idée qu’il va falloir trouver un copiaule, là, tout de suite, soit devoir à nouveau effectuer un exercice de sociabilisation et de contact. Heureusement il n’en est rien, la répartition est déjà faite. Plus ou moins par hasard, mais ça me va très bien. C’est vraiment bon de sentir qu’on n’a rien à contrôler, que tout est déjà pré-mâché et qu’il n’y a pas de décisions ni d’initiatives à prendre. Se laisser porter par le flot des gens et de l’organisation. C’est ce que je sais faire de mieux.
21:46 : Je fais connaissance avec mon copiaule. Je décide de l’appeler Hermann Toothrot, en l’honneur du naufragé de Monkey Island. Il a l’air d’être un mec bien. Zut, j’aurais rien de rigolo à raconter sur sa gueule, tant pis.
??:?? : Là y’a un truc que j’ai dû oublier. Dans mes notes de voyage j’ai noté « seins », mais je sais plus à quoi ça correspond.
22:01 : La bouffe du soir se passe à l’hôtel. Y’a deux salles de boufferie, côte à côte. Mini-flippage au moment du placement. Je ne vous apprends rien en vous disant que le moment où un groupe de personne doit s’asseoir pour manger est extrêmement stressant. Qui veut aller à côté de qui ? Risque-je de me retrouver à côté de gens chiants ? Ou pire, à côté de gens qui renversent leur vin rouge ? Si je me place en premier je vais passer pour un impoli car j’invaliderai un nombre important de combinaisons de plaçage, dont certaines auraient peut-être convenues à certains ? Que faire ? Argh.
22:02 : Je parviens à aller dans pas la même salle que Poulet et monsieur Ion. J’arrive même à pas trop culpabiliser sur le fait que comme je sociabilise pas avec ces gens asociaux, je ne les aide pas, eux, à se sociabiliser globalement. On rapproche les tables de notre salle de boufferie, pour que ce soit plus sympa. Il y a un moche en face de moi et un autre à côté. En-face-à-côté se trouve un mec qui a forcément énormément d’humour, car c’est un ex-gothique qui ne s’est pas suicidé. Il a la panoplie afférente (bagues, boucles d’oreilles, bracelets).
22:03 : Le pain est tellement dur qu’on pourrait s’en servir pour tuer des gens. Mais comme on est des gentils, on ne les utilise que comme instrument de percussion, en les tapant sur nos assiettes. Les moches et moi improvisons un concert presque-gothique.
22:06 : Salades avec des oignons crus. Ex-gothique fait une blague à Échelle, son copiaule. Il lui dit de pas manger trop d’oignons sinon après ça va dauber dans leur piaule.
22:14 : Saucisse bizarre avec fayots tiédasses. Échelle fait une blague à Ex-gothique, son copiaule. Il lui dit de pas manger trop de fayots tiédasses sinon après ça va dauber dans leur piaule.
22:16 : Conversation d’un mec à propos de la façon dont certains marchés sont négociés. Il dit que des fois, faut filer un backchich aux appels-d’offreurs. Le mot « backchich » me fait rigoler. J’imagine une sorte de convention tacite : le backchich serait proportionnel au nombre de slides dans le power-point de présentation. Les entreprises proposant une somme conséquente seraient alors obligées de créer des documents super longs, voire de finir par des slides complètement stupides : blagues, photos de cul, photos de chat, etc…
22:19 : blague idiote, mettable dans une pièce de théâtre ou autre chose :
« Tu fais quoi dans la vie ?
− Je suis assistante de direction.
− Ah ça tombe bien, j’ai un problème avec ma direction assistée. Tu veux pas jeter un coup d’oeil à ma bagnole ? »
22:19.5 : Rassurez-vous, je me la suis racontée que dans ma tête.
22:20 : Gâteau avec une crême bizarre et de la pâte sablée super dure en dessous. Les serveurs ne nous ont laissé que les cuillères. La situation est critique. Il faut bourriner sur la pâte sablée pour couper un morceau, celui-ci risquant à tout moment de sauter sur les vêtements d’un voisin, le maculant de crême bizarre. Je m’en tire pas trop mal, en utilisant discrètement mes doigts dans les moments les plus incertains.
22:21 : Moment de malaise très embarrassant. Un bout de gâteau s’échappe et je le rattrappe de justesse avec mon index. Paniqué, je jette un regard circulaire pour vérifier que personne ne m’a capté. C’est alors que je croise les yeux d’Ex-gothique. Pendant un quart de seconde qui semble durer plusieurs secondes, personne ne bouge ni ne dit rien.
22:22 : Ex-gothique sauve chevaleresquement la situation en me disant qu’il n’aime pas ce gâteau et qu’il veut bien me refiler sa part. Je l’accepte bien volontiers, heureux de voir enfin se terminer ce si terrible quart de seconde. En même temps, j’ai l’impression que ça l’arrange aussi. Conventionnellement parlant, les gothiques ne sont pas censés manger du gâteau. C’est pas du tout dark, et ils auraient trop peur de se taper la honte auprès de leurs amis gothiques.
22:11 : Le temps recule, mais c’est pour décrire un événement concomitant à celui narré ci-dessus.
22:11 donc : Dans l’autre salle de boufferie, un mini-incident diplomatique se trame. On murmure de vagues protestations quant à la qualité de la bouffetifaille.
22:23 : À notre table, une serveuse débarque et embarque une bouteille de vin qui n’était pas finie. Boulet proteste en criant « Hooo lààà!! », la serveuse répond en souriant « Holà! » et part avec la bouteille. Sacrés espagnols, ils ont une langue rigolote.
22:35 : Réunion de crise afin de tenter une sortie piachage et mangeage de vrais trucs. Monsieur Ion est fin motivé pour une pizza. On lui dit qu’on est en Espagne pas en Italie. Il dit que la pizza c’est international.
23:02 : Nous partons à une trentaine. Le chemin risque d’être long. Barcelone est traversée par une très longue rue appelée la Diagonal. Notre hôtel-surprise et les Ramblas (quartier des bars, des pakis qui vendent de la bière et running-gaguement parlant : des putes) sont chacun à une extrémité. Première séparation du groupe en deux, avec des qui prennent des taxis et des qui y vont à pied. Nous ne sommes déjà plus qu’une vingtaine.
23:40 : Notre périple est parsemé de bars. Certains suggèrent de s’y arrêter, d’autres veulent continuer. Au moment de manquer de s’arrêter dans un bar-resto, monsieur Ion et madame EncoreUnPeuVerte fomentent une révolte. Ils rassemblent un groupe de rebelles dissidents et décident de rentrer à l’hôtel tout de suite. Nous ne sommes plus que neuf.
24:12 : Tout cela commence à ressembler aux sorties à l’arrache de mon époque adolescente. Nous passons devant plein de bars, plusieurs personnes du groupe émettent timidement l’idée que nous pourrions nous y arrêter, mais une sorte de convention implicite fait que nous sommes dirigés par l’homme le plus grand et ayant la plus grande gueule (le sus-mentionné Échelle). Or, ce fieffé connard veut vraiment aller jusqu’au Ramblas. Personne ne sait pourquoi, mais personne n’ose lui poser la question vu qu’il est quand même vachement grand.
24:26 : Hermann Toothrot et son ami Moustachu se trouvent en difficulté et en plein doute existentiel. Ils commencent à marcher plus lentement et à ralentir le groupe. Échelle les remotive à grand coups de « ouais on tourne là et après on est super bientôt arrivés ».
24:54 : les Ramblas, enfin !!! Le lieu a vraiment changé depuis ma dernière visite. Les putes y sont plus sporadiques, probablement à cause de la saison. Les indigènes pakis vendent des Estrellas et non plus des San Miguel. Ils sont plus blancs qu’avant, re-probablement à cause de la saison.
24:57 : ex-Gothique téléphone à une personne du sous-groupe qui était parti en taxi, afin de tenter de les rallier. Cette personne nous indique qu’ils se sont tous posés dans un bar, au numéro 22. Nous sommes au numéro 109.
25:21 : le numéro 22 est une compagnie d’assurance, ou un magasin de tapis de souris, (je n’ai pas bien regardé la vitrine). Ex-Gothique rumine une vengeance pour le lendemain.
25:32 : Nous arrivons place Saint-Machin, d’insouciants souvenirs ressurgissent dans mon esprit. En effet, il s’agissait du point d’abreuvoirie que moi et des amis personnels avions convenu lors d’un précédent séjour pas-Boîtal. Échelle veut faire le tour de la place pour tenter de localiser l’autre sous-groupe. Hermann Toothrot, Moustachu et moi faisons une mini-scission et nous posons dans un bar au hasard.
25:33 : Échelle et ses fidèles reviennent brecouilles et se posent avec nous. Nous commandons des bières.
25:37 : Moustachu me raconte les aventures de son service militaire. Sa voix fait wouwouwouuuwouuu dans ma tête. Je l’imagine en train de tourner sur lui-même et de clignoter. Je bois ma bière.
25:41 : Toutes les bières sont bues, le bar ferme. Il faut y aller. Moustachu paye la tournée pour nous trois.
25:53 : on plante définitivement Échelle et ses potes, en rentrant en taxi. Hermann Toothrot paye le taxi pour nous trois.
26:17 : Arrivée à l’hôtel, retour dans la chambre. Je dis à Hermann Toothrot que je vais squatter la baignoire. J’ai pas souvent l’occasion de prendre un vrai bain car il n’y a qu’une petite douche chez moi.
26:39 : j’éjacule dans la baignoire, je nettoie et je vais me coucher.
Samedi
08:10 : Le bruit d’Hermann Toothrot enfilant son pantalon me réveille. C’est parfait, il faut qu’on se retrouve à 8h30 pour le petit déjeuner.
08:29 : Retour à la salle de boufferie qui m’est maintenant familière. Placement sans trop de difficultés car pas encore beaucoup de gens. La bouffe du petit dej’ est copieuse et bonne. J’évite toutefois les brioches fourrées à la saucisse.
08:53 : On poireaute un peu en attendant notre guidette. Je vais chercher ma belle chemise bleue. On s’échange les quelques nouvelles d’hier. J’apprend que Mochette s’est faite piquer son sac à main et qu’elle est plus très motivée pour faire la journée avec nous. Chouette !! Encore une action boulettisante dans laquelle je ne suis pour rien. Mentalement, je danse le fox-trot tout en jonglant avec des pastèques et en chantant des chansons cruelles.
08:57 : notre guidette s’appelle Myriam. On monte dans le car pour commencer la visite des trucs. J’ai un vrai problème psychologique avec les cars. On y retrouve le même stress social de placement que pour les salles de boufferie, mais là c’est pire, car on est côte à côte et tous dans le même sens. Si ton voisin est pourri, tu peux difficilement te rabattre sur les autres personnes autour. Et si t’es assis tout seul tu passes vraiment pour l’ermite perdu du groupe. J’ai eu des tas de problèmes avec les cars, durant des séjours linguistiques débiles en Angleterre, qui n’étaient rien d’autre que des tortures dévastatrices et carapaçatisantes.
09:02 : Le car part, Boulet est pas dedans. Il a pas réussi à se lever. Y’en a qu’ont essayé (de le lever), ils ont pas réussi. Un double-boulet, ça c’est chouette. Fox-trot, pastèque, tout ça.
09:05 : Myriam commence à débiter son blabla. Elle dit que la Diagonal est la rue la plus longue de Barcelone. Merci on s’en était aperçu la veille. Elle dit aussi que l’église Machin est la plus grande église de style gothique civil (pas compris). Elle dit aussi que le pont Bidule est l’un des ponts les plus vivants (pas compris non plus). Je pense à des gros nichons.
10:32 : On entre dans une église avec pleins de gens amputés faisant la manche à l’entrée. On m’a raconté qu’en arrivant dans le pays, ils avaient leurs membres, puis des gens moyennement gentils les chopent, les tchoppent à la machette et les posent devant les églises. Le soir ils passent et ramassent l’argent. C’est tout.
10:32 : Je décide de me laisser envahir par le Mal, de ne pas avoir pitié d’eux et de leurs amputations, de ne pas culpabiliser de ne pas avoir pitié d’eux, et de ne pas culpabiliser de ne pas culpabiliser de ne pas avoir pitié d’eux.
10:47 : Blabla de Myriam dans l’église. Elle se fait engueuler par une dame de l’église parce qu’il ne faut pas blablater dans l’église. Myriam s’en fout, ça fait 10 ans que la dame l’engueule chaque fois qu’elle vient.
10:48 : On erre un peu. Je découvre la nouvelle génération de cierges : des petits cylindres de plastiques avec une diode au milieu. Tu mets une pièce, la diode s’allume automatiquement. Je mets pas de pièce.
11:11 : Bide numéro 2 : Myriam parle d’un truc qui s’est passé en 1711. Je chantonne doucement : « 118 711 ». Ça ne fait rire personne. Peut-être parce que c’était pas tout à fait le vrai numéro.
11:12 : On se balade dans les Ramblas : moins de pakis que la veille et zéro putes. Myriam blablate que « rambla » signifie « eau intermittente », parce qu’à l’époque ça s’inondait tout seul. Maintenant l’intermittence n’est plus faite par l’eau, mais par le spectacle. On retrouve les habituels nécessiteux, grimés et déguisés en diverses choses, mendigotant une maigre obole auprès des honnêtes passants. Quand un touriste essaie d’en prendre un en photo sans avoir préalablement payé, le nécessiteux s’énerve et va se placer en dehors du champ. Je me souvenais pas qu’ils faisaient ça la dernière fois. De toutes façons j’ai pas d’appareil photo. Je donne quand même une piécette à une jolie dame en métal.
12:24 : on s’arrête à un resto pour bâffrer de la paella magique. Non-bide numéro 3, qui aurait peut-être mieux fait d’en être un : un moche me dit que dans son armoire de DVD, il a toute une rangée de films « prout-prout » (Amélie Poulain, Quand Harry rencontre Sally, etc.). Je réponds que moi aussi j’aime le genre « prout-prout », en particulier quand c’est une asiatique ronde qui se prend la sodomie.
14:04 : Sortie du restaurant, photo de groupe. Un clochard assis à côté de nous se retrouve malencontrueusement dans le champ. J’hésite à lui demander de l’argent pour ça (rapport aux nécessiteux grimés sus-mentionnés). Au fait, en Espagne quand on est pris en photo on dit pas « ouistiti » ni « cheese », mais « patatas ». Cherchez pas, j’ai pas compris.
??:?? : Là j’ai marqué « bidacitr » sur mes feuilles de voyage. Je ne sais plus à quoi ça correspond. Tant pis.
14:15 : On doit se regrouper pour partir. Quelqu’un fait la blague spirituelle habituelle de circonstance et braille « Groupir! Groupir! ». C’est une référence à un vieux film qui a eu son petit succès dans les années 50. Les gens font tellement souvent cette blague qu’elle devrait être inscrite au patrimoine culturelle de l’humanité. Monde de merde.
14:35 : Bide numéro 4 : On croise une église avec un mariage dedans. Le marié a l’air super vieux par rapport à la mariée. Je m’approche d’un groupe quelconque et essaie de m’incruster dans la conversation en disant que « non, en fait c’est pas le marié, c’est le père, hahaha ». Ils se foutent tous de ma gueule. Je pige pas pourquoi. Apparemment, ils venaient de faire exactement la même blague y’a 5 minutes. Or, donc. Eh bien ça les fait rire.
15:00 : On va au musée de Picasso. J’ai un vrai problème psychologique avec les musées. On va pas s’étendre là-dessus, vous devriez facilement arriver à visualiser le traumatisme.
15:01 : Picasso période normale. Il peint des lits en perspective que quand tu te mets d’un côté il a l’air tout petit, et de l’autre il a l’air tout grand.
15:37 : Picasso période bleue. On est tous dans le ton avec nos belles chemises Gloubiboulguiennes. Vive les schtroumpfs. La période est bleue car c’était la couleur de peinture la moins chère, et Picasso était un sale pauvre. Depuis la pauvreté l’a quitté, et il est même devenu une voiture.
16:01 : Picasso période rose. Je ferais bien l’amour avec ma chérie, là, tout de suite, sur une banquette du musée.
16:29 : Picasso période cubique. J’aime pas les cubes et je préfère mater les courbes des filles autour de moi. Je savais bien qu’il y avait des œuvres d’art dans les musées.
17:51 : On sort de cet endroit. Arrive alors le moment le plus redouté de tout le séjour : le quartier libre ! Je dois montrer que je suis indépendant. Je dois trouver des choses à faire pour prouver aux autres que je suis un super-touriste doté de super-pouvoirs. Je dois être capable de dénicher des endroits inconnus regorgeant d’anecdotes socialement valorisantes à raconter. Je dois être capable d’engranger de classieuses images, sensations et rencontres. Je dois être capable de m’intéresser au patrimoine culturalo-immatérialo-intellectualo de l’humanité de l’humanité de l’humanité de l’humanité.
17:52 : Je ne me souviens pas avoir vu de cybercafé dans le coin pour faire mes parties quotidienne d’Alphabounce. Je m’incruste dans un groupe au hasard. Y’a Poulet dedans.
18:31 : Étrangement, on re-échoue sur la place saint-Machin et on se pose à un bar. On commande des bières. Je dis que j’en veux une grande, une pinte quoi. Je suis pas sûr que le serveur comprenne. Il tend son doigt vers un mec derrière nous qu’a une pinte. Poulet dit « Ah, il montre quelque chose!! » (merci Poulet). Le serveur se barre. Je stresse car je suis pas sûr qu’il ait compris que tout le monde veut un demi, sauf moi qui veut une pinte. Si ça se trouve il va revenir avec que des demis et ça va pas me plaire.
18:33 : Le serveur revient avec des pintes pour tout le monde. Je suis tout heureux.
18:36 : Poulet a bu un dixième de sa bière et va aux toilettes.
18:39 : Poulet a bu un autre dixième de sa bière et va aux toilettes.
18:51 : J’ai fini ma bière et je vais aux toilettes. Poulet me dit qu’elles sont dégueulasses. Ce n’est pas une description très détaillée. Il serait plus précis de dire que l’eau a simplement été coupée.
18:52 : Je reviens des toilettes, tout le monde se prépare à partir. Je me dit qu’il faut quand même que je paye mon alcool, mais j’apprends que Poulet (le seul qu’a pas fini son verre) a zaké sa rince dans un élan de tentative d’humanisation de la fonction de PDG.
18:55 : Séparation du groupe. Poulet et un mec vont directement au resto-rendez-vous du soir. Nous autres décidont de repasser par l’hôtel, pour des raisons plus ou moins bidons.
18:59 : Dans le métro barcelonais, les fentes à mettre les tickets sont à gauche du portillon et non à droite. Si on fait pas gaffe, on débloque pas le bon côté et on se fait carotter le passage par un autochtone averti. La seule solution consiste alors à frauder par un saut plus ou moins assumé, ce que fit l’un des membres du groupe. Si ça m’était arrivé à moi, je l’aurais fait avec plus de souplesse et une petite figure acrobatique. Puis j’aurais tapé avec rage dans le bastringue à ticket.
19:32 : Débarquement à l’hôtel. Pas le temps de se branler, on a resto-rendez-vous à 19h30 à l’autre bout de la ville pour un spectacle de flamenco.
19:35 : On reprend le métro. Cette fois-ci c’est moi qui n’arrive pas à entrer. J’ai mis le ticket au bon endroit mais rien à faire. Une vieille se pointe pour m’aider. La porte automatique s’ouvre soudain sans crier gare. Tel un mêléteur de rugby, je me précipite dans la brèche, manquant de dézinguer la vieille qui se retire à la dernière seconde.
19:55 : Arrivée dans le petit village magique lové à l’intérieur de Barcelone, dans lequel est implanté notre resto-trouloulou. La gardienne (rousse) du village hésite à nous laisser entrer. On lui dit qu’on est de la société Gloubiboulga. Elle comprend pas le mot et le cherche dans sa liste. On lui épelle. Elle comprend toujours pas. Fort heureusement, j’ai eu la présence d’esprit de garder ma belle chemise. Je bombe le torse, montrant fièrement le mot « Gloubiboulga » écrit dessus. La gardienne nous laisse entrer.
20:05 : On s’est perdu dans le village magique et on arrive encore plus à la bourre que prévu. Les entrées (à bouffer, pas à entrer) et le spectacle ont commencés.
20:07 : Le moche en face de moi essaye de sociabiliser via des blagues rigolotes sur les danseuses : « Attention le parquet va brûler! », « Hé c’est cool, la dame nettoie par terre avec sa grande robe! ». Pas drôle.
20:08 : Nan ce qui est drôle, c’est que le flamenco, c’est assez osé, voire sexuel. On peut donc appeler ça du « flamencul », donc du « flamenküche », donc toute la culture du monde a été inventée par les alsaciens. Vous voyez, ça c’est un jeu de mot qu’est drôle.
20:42 : En plus des danseuses, il y a deux danseurs avec les tétons qui pointent. L’un d’eux se prépare à exécuter une top-figure. Le regard fougueux-viril, il mouille le bout de ses deux doigts et se les passe dans les cheveux. MmmmhhhaaaahhaaaâââÂÂÂSSShhhllllllssrrrpppllssspp.
20:42 : Les mouvements du danseur sont désordonnés exactement de la même manière que moi bourré qui entend de la musique qui me plaît. C’est facile le flamenco : il faut bouger les bras, les jambes et la tête en changeant fréquemment de plan de bougeage.
20:45 : Je dis à mon moche en face que c’est des danses pour gens bourrés ou sous acide. C’était même pas une tentative de sociabilisation par la blague, je le pensais vraiment. Il se contente de rigoler. Bon, semi-bide.
20:46 : À noter que les chanteuses de flamenco ont la voix niquée.
21:42 : on rentre en taxi et Je-sais-plus-qui paye le taxi.
22:22 : On termine dans les sièges de la réception de l’hôtel, car pas trop envie de traîner dehors. Mec_generique et moi allons prendre une bière au bar. Il me la paye.
22:45 : Je vais aux toilettes.
22:46 : Je suis enfermé dans les toilettes. Un bout de la poignée m’est restée dans les mains, l’autre tourne à vide. L’angoisse envahit mon esprit. La honte de l’enfermement dans les toilettes. Un thème très populaire dans notre société contemporaine. Je me souviens d’un pote en classe d’anglais qui l’avait évoqué. La prof avait alors dit que les blagues pipi-caca-popo ne l’intéressaient pas. Mais j’aime pas les profs. Et j’estime qu’il faut parler de ce thème, car ça peut arriver à tout le monde et devenir très grave, très destructeur psychologiquement. Je m’imagine tambouriner à la porte toute la soirée. Qui n’a jamais été enfermé dans des toilettes ? Chez des amis, à l’école, ou chez sa grand-mère ?
22:48 : Bon, en fait il suffisait de tourner un petit machin, puis de tourner le bout de la poignée en faisant abstraction de l’autre-autre bout de poignée qui m’était resté dans les mains.
23:20 : Tout le monde commence à aller se coucher. C’est parfait. Je reste un peu, sous prétexte que j’ai ma bière à finir et que je dois squatter le fameux cybercafé de l’hôtel pour envoyer un mail à ma chérie.
23:25 : Ça y est, je peux enfin faire la limace baveuse devant un ordinateur ! L’internet coûte trouzemille brouzoufs la minute (because année 2007), mais ça vaut le coup. J’en profite pour pas écrire à ma chérie et faire mes trois parties quotidiennes de casse-briques.
23:30 : J’ai mis 5 minutes à terminer ma première partie. Le temps de connexion coûte plus cher que des parties supplémentaires. J’arrête donc là et décide que je m’en achèterai une fois revenu en France, ce sera bien plus rentable.
23:32 : J’écris quand même à ma chérie. Quitte à payer pour faire la limace baveuse, autant que ça serve à quelque chose de constructif. Et puis c’est un investissement pour ouvrir droit à du sexe gratuit.
23:45 : Retour à la piaule. Je dis à Hermann Toothrot que je vais faire comme hier et profiter de la baignoire. Je suis quand même un peu crevé par cette folle journée, à marcher et boire partout.
24:02 : Je commence à me pougneter dans la baignoire.
24:69 : Mince, je me suis endormi. Bon, ben ce sera pas pour ce soir la pougnette. Trop fatigué. Je sors de la baignoire et vais me coucher.
Dimanche
09:26 : Re-mince. Hermann Toothrot a enfilé son pantalon trop silencieusement et ne m’a pas réveillé. Il est trop tard pour une pougnette pré-petit déjeuner. Tant pis, je m’habille à l’arrache et descends bâffrer.
09:34 : Le breuvage rouge décantant dans une cruchasses n’est pas de la grenadine, mais du jus de tomates. Comment peut-on boire un truc pareil, à plus forte raison au petit déjeuner, à plus forte-forte raison sans s’être pré-pougneté ?
09:45 : On ne part pas tout de suite, car il faut remballer ses bagages et les ramener à la réception de l’hôtel qui les réceptionnera. L’ascenseur m’envole vers ma piaule. Chouette, j’aurais au moins droit à la pougnette post-petit déjeuner.
09:52 : zblorg!
10:00 : On retrouve notre guidette. C’est pas là même qu’hier. Celle-là a la voix niquée d’une chanteuse de flamenküche, ce qui ne l’empêche pas d’avoir un micro avec une boîte vocale portative. Ça me fait penser à Ned, dans South Park, « qui est amplifié depuis son cancer de la gorge ». Même que dans un épisode il perd sa boîte et il est obligé de parler en rotant. Over-lol.
10:02 : On devrait attendre le bus mais il est en retard, alors la guidette dit que c’est pas grave, on peut commencer à y aller à pied. J’ai des doutes (sur le cimetière des éléphants) mais j’ai pas envie de réfléchir plus que ça.
10:05 : Nous partons, bien évidemment sans attendre que tout le monde soit là. Au bout de 300 mètres, des scissions commencent déjà à poindre, entre ceux qui veulent continuer et ceux qui préféreraient attendre les autres. La situation se règle très vite par un coup de téléphone d’une personne oubliée à l’hôtel, nous signalant que des bagages ont « disparus ». Certains commencent à flipper, mais aucun ébranlement général ne semble se déclencher. Nous restons simplement plantés là. Sarkozette panique et fait demi-tour direct. Je suis tout heureux, car une fois de plus un événement boulet occure, dont je ne suis pas responsable. Silencieusement, mon esprit éclate d’un rire sadique et sardonique. De toutes façons y’a peu de risques que mon sac ait été piqué, vu que c’est un baluchon jaune moche de terroriste. Et au pire, j’avais que des fringues moches dedans et du chatterton pour les cas où je rencontre un hamster consentant en boîte de nuit. Y’a même pas ma boîte de poulpe fétiche, que j’utilise habituellement pour décapsuler les bières.
10:05 : Sarkozette s’appelle ainsi car à la dernière réunion-bilan-banquet-beuverie annuelle, elle m’a dit qu’elle voterait pour ce personnage. Elle est super sympa et a tenté à plusieurs reprises de me sociabiliser. Par contre elle est vraiment maigre, c’est pas beau à voir.
10:07 : Les oubliés de l’hôtel rejoignent notre groupe. Le vol de bagages n’était qu’une blague de leur part. Zut, pas d’événement boulet. Tant pis.
10:15 : On part donc à pied. On rencontre un dragon en métal fait par Gaudi. Il a des testicules à pointes sur sa queue (le dragon, pas Gaudi). En parlant de ça, la guidette a une espèce d’écharpe à laquelle sont accrochés des pompons. C’est bizarre. Un moche dit que c’est le déguisement de Couillu le Caribou. Et là, des gens rigolent ! Lui, il ne provoque pas de bide. C’est trop injuste.
10:21 : On rencontre une statue représentant Gaudi, en métal aussi. Je dis « Mouais, les mecs en métal y’en avaient plein les Ramblas, et eux ils bougeaient ». Bide numéro 5. Je le redis une deuxième fois pour être bien sûr que ça fait rire personne et qu’ils font tous semblant de pas avoir entendu. Double-bide.
10:30 : On retrouve le bus. Shmi essaie de vérifier que cette fois on oublie personne. Elle commence vaguement à faire l’appel, mais c’est le bronx. Sarkozette demande gentiment si « Réchèr » est là et je réponds oui. Ça me fait plaisir qu’elle ait pensé à moi, parce que si j’étais pas là, peu de gens s’en apercevraient. Enfin bon, elle reste quand même vachement maigre.
10:32 : La personne du jour manquante dans le bus n’est pas Boulet. Il s’agit d’un certain Lunette. Il s’est rogné la gueule la veille et n’a pas réussi à se lever. Je suis heureux. J’ai bien fait de passer toutes ces années à travailler ma résistance à l’alcool.
11:42 : On visite le parc Gouèle. Moustachu me dit que la salamandre peut faire repousser un membre coupé. Lui aussi en fait, mais seulement sa moustache. La guidette nous dit que Gaudi architectait que des courbes, car il aime les courbes de sa femme, et que « les lignes droites n’existent pas dans la nature ». Alors je mate les gonzesses.
10:53 : On visite un truc qui doit être le musée de Gaudi ou quelque chose comme ça. La guidette nous explique la façon amusante dont Gaudi architectait en s’inspirant de la nature. C’est toutefois quelque peu du foutage de gueule officiel. Gaudi a repris la spirale des escargots pour ses escaliers en colimaçon. Ouais. Et donc les escaliers en colimaçon n’existaient pas avant Gaudi ? À ce compte là, c’est moi qu’ai inventé la masturbation, mais par bonté d’âme, je l’ai mise sous Licence Art Libre afin que le monde ait le droit de s’auto-faire plaisir sans avoir à me verser de « royalties ». (J’ai toujours trouvé ce mot débile, et je sais même pas comment il est censé se prononcer).
11:26 : On visite la Sagrada Familia, intérieur compris. C’est chouette et rigolo. Le Jésus à l’entrée est à poil, ce qui à l’époque avait dérangé des cathos bien pensants. Jésus s’en fout, il n’est même pas catholique.
12:34 : On repart. Je jette un dernier regard à l’église, une statue assise sur un pont reliant deux tours me regarde en rigolant.
13:04 : Retour à l’hôtel. Toutes nos valises ont disparues mais ça fait peur à personne. Retour dans les salles de boufferie, avec le même pain musical tueur du premier jour. Je réussis à gérer mon placement comme un Dieu, et me retrouve non seulement loin de Poulet, mais en plus proche de Lunette, qui entre temps s’est réveillé. Il n’est plus capable de boire du vin alors je bois sa part.
13:25 : Sur le programme de Shmi était marqué : « gâteau d’anniversaire de Gloubiboulga », parce que ce week-end existe aussi pour célébrer les 20 ans de notre belle entreprise. Le gâteau arrive prédécoupé dans nos assiettes. Pas de soufflage de bougie ni autre cérémonie corporate. C’est pas fun. Alors on débarque tous dans la salle de boufferie où est posé Poulet et on chante « Joyeux anniversaire, Joyeux anniversaire Gloubiboulgaaaaaa !! » le plus faux possible.
13:27 : Poulet est content de notre performance. On hurle « UN DISCOURS !!! ». Il compose un truc vite fait, énonçant collégialement que Gloubiboulga c’est le bien, que merci à nous tous, que la Boîte a été créée par quatre personnes qui sont toutes toujours là et que ça c’est un signe de coolitude.
13:28 : On hurle donc aux trois autres géniteurs de prononcer un discours aussi. Monsieur VisagePâle fait sa taffiole et dit que ça ne s’improvise pas comme ça, puis il replonge la tête dans son gatal. Bordel, ce mec m’avait foutu la trouille à mon entretien d’embauche, parce que j’essayais de lui décrire des bizarreries du .Net et que j’arrivais pas à être clair. En fait c’est pas moi qu’était infoutu d’expliquer, c’est juste lui qui comprend jamais rien.
13:32 : On retourne dans notre salle de boufferie. Un mec a fait des photos et il a involontairement pris le haut du crâne de Mochette. Il rigole en disant qu’il fera un peu de retouche pour corriger la calvitie. (Mochette c’est une fille). (Ou pas).
13:35 : On ouvre les bouteilles de champagne. Pleins de gens n’en veulent pas car en fait ce n’est qu’une sorte de simili-champagne. Finalement, tout le monde décide de sortir prendre l’air. Je fais des allers-retours entre les salles de boufferie et la salle de prenage d’air de dehors, pour piacher les verres qui restent. Des gens me trouvent bizarre. Heureusement Sarkozette boit avec moi et c’est chouette. Échelle me demande où je bosse. Je réponds que je suis en assistance technique (c’est le terme savant Gloubiboulguien pour dire « en régie »). J’ajoute que je travaille avec un client-collègue qui parfois met du calva dans mon café du matin. Je repars chercher des verres. Y’en a plus mais il en reste dans les bouteilles. Je re-remplis mon verre.
14:20 : Départ définitif en car. On repourrit VisagePâle en lui redemandant un discours.
14:25 : Shmi tente de lancer un babord-tribord. Elle me demande discrètement si je serais prêt à participer. Je lui dit que oui, mais que je suis bourré donc incontrôlable. Ça ne lui fait pas peur et elle déclenche les hostilités. Je me plante entre les mots « babord » et « tribord ». Poulet me corrige. La partie chanteuse-de-paillardes de mon cerveau ressent de la honte nucléaire ultime.
14:26 : Fin des hostilités pour cause de manque de motivation général. Le nombre de participant s’est élevé à 2,5 de mon côté et 11,7 de l’autre. C’est quand même mon côté qui a gagné. Ce sont tous des lopettes.
15:35 : On est à l’aréoport. Moment classique de vide durant l’enregistrement des bagages. J’ai l’idée géniale d’une publicité pour une société de transport haute qualité garantissant une intégrité totale de la marchandise.
15:36 : (Jingle. Intermède publicitaire).
15:37 : Un mec joue aux dés (par exemple au gros poulet). Il fait un double 6, hurle de joie, place les dés sous une cloche de verre et envoie le tout à la compagnie de transport haute qualité. Un autre mec réceptionne le paquet et l’ouvre. Le double 6 n’a pas bougé et le mec doit boire 6 fois.
15:38 : Je me permet de préciser que dans ma variante du gros poulet, celui qui fait un double fait boire, au lieu de boire lui-même. Les variantes sont multiples (http ://www .buveurs.com/le-gros-poulet).
15:39 : (Re-jingle. Fin de l’intermède publicitaire).
16:02 : J’erre dans les magasins duty free, en quête de trucs cools à acheter. Il n’y a malheureusement que des objets superficiels pour capitalistes violacés et gluants. Pas de mini-pute arménienne de voyage. Tant pis.
16:04 : Je trouve un magasin Ferrari. Ils vendent des fringues, des figurines, des portes-clés et des mako-moulage de la bite à Schumakère, le tout inévitablement en rouge pétant. Je vais voir la vendeuse en rigolant et lui dit que je savais pas que ce genre de magasin pouvait exister. Ça n’a pas l’air de lui plaire. Je me barre dans un bar perdu au milieu des dutyfriteries. J’y prends une bière en matant la jolie fille assise à côté de moi nichons. C’est la première et la seule bière que je payerais de tout le séjour. Un peu plus loin se déroule un match de je-sais-pas-quoi dans une télé, avec des gens devant qui applaudissent. Pas compris.
16:24 : Re-moment de vide pendant l’attente du prochain avion qui doit arriver sur le quai. Les gloubiboulguiens arrivent petit à petit, avec leurs achats tout frais de marchandises capitalistes violacées et gluantes. Je fais signe au chauffeur de l’avion pour qu’il s’arrête. On monte tous dedans.
16:30 : Un moche assis à côté de moi dit qu’on devrait demander un RTT pour lundi tellement ce week-end a été fatiguant et chargé en émotions. Ce moche est une fiotte.
16:30 – 18:30 : Trou spatio-temporel de 2 heures dans mon résumé, certainement dû à des erreurs d’arrondis accumulées. En fait c’est à 18:30 qu’on a pris l’avion, et pas à 16:30. C’est pas grave.
18:35 : Avion. Chorégraphie des hôtesses. Le mec assis à côté de moi fait des super-sudokus dans lequel il faut additionner les chiffres en plus de les répartir comme il faut. Il est fier de m’expliquer le fonctionnement et insiste sur le fait que c’est un truc de ouf malade. Je voudrais avoir un ordinateur là tout de suite, pour m’amuser à coder des choses qui me plaisent.
20:02 : Atterrissage, récupération des bagages, au-revoirisation d’un tas de gens. Je me dirige vers l’Orlyval, content, finalement, que tout cela soit fini.
20:04 : Et merde, deux autres Gloubiboulguiens prennent aussi l’Orlyval. Je suis obligé de maintenir une cohérence sociale minimale pendant encore plusieurs minutes.
20:28 : Ah y est, on est arrivé. On prend tous des chemins différents. Mon RER fait tût-tûûût-je-vais-bientôt-partir, ce qui me donne le droit de planter là mes deux collègues sans autre forme de cérémonie, et de partir en courant. Je monte dedans in extremis et n’ai plus qu’à m’affaler sur un siège, les yeux vitreux et les lèvres dégoulinantes de bave. J’en profite pour penser en toute impunité à des levrettes.
21:37 : Je joue au casse-briques chez moi, et je téléphone à ma chérie.
Aujourd’hui, 2015-08-06 01:05 : Ça m’a foutu le cafard de reprendre ce texte pour en faire un article de blog. Il me renvoie à une époque insouciante où mon boulot était beaucoup moins stressant et chronophage. J’essaye de ne pas trop m’accrocher à ce passé, car, comme vous le dirait n’importe quelle coach de vie, ça empêche d’avancer. Mais là j’ai bien été forcé d’y replonger, et des lambeaux de ce foutu passé restent accrochés à mon esprit. « Des cordes encore t’enlacent ».
Mais remettons-nous de nos émotions. Les prochains articles seront autres.