Fiche cuisine : le steak continu et strictement monotone

Voilà bien longtemps qu’il n’y a pas eu d’article de pur n’importe quoi sur ce blog. Remédions à cela.

Rappelez-vous, il y a environ une décennie, j’avais écrit deux fiches cuisine. En voici une troisième.

Avantage de la recette

Nécessite peu de matériel.
Facile à réaliser.
Est une application amusante d’un théorème mathématique.
Peut se décliner en de nombreuses variantes.
Rond. (enfin presque)

Préparation

  • Placez un steak dans votre congélateur. Astuce futée : il est plus simple d’acheter le steak dans une boucherie, plutôt que de prendre le temps d’élever un animal pour le tuer et le découper.
  • Attendez quelques heures.
  • Sortez le steak et placez-le dans une poêle. Pas besoin de mettre d’huile.
  • Mettez la chaleur à fond.
  • Lorsque le côté du steak est bien noir, retournez-le.
  • Lorsque le second côté du steak est également noir, coupez le feu.
  • Grattez le noir des deux côtés du steak.
  • Grattez et réservez dans un plat à part la partie cuite du steak.
  • Remettez la partie centrale du steak au congélateur, pour une utilisation ultérieure (en plus ça rime).
  • Dégustez la partie cuite que vous avez précédemment réservée. Si vous avez assez de motivation, trouvez une salière et ajoutez du sel.

Variantes possibles : utilisez n’importe quelle autre victuaille de votre congélateur : bloc d’épinards, reste de repas, galette de légumes, surimi, … Attention, ne le faites pas avec des glaçons, ni de la crême glacée, ni avec le congélateur lui-même.

Comment ça fonctionne ?

La chaleur se propage vers les molécules voisines. La plaque de cuisson chauffe uniquement la surface extérieure du steak. Cette surface chauffe ensuite la viande qui se trouve un peu plus à l’intérieur, qui elle-même chauffe la viande un peu plus à l’intérieur, et ainsi de suite.

Comme il y a un peu de perte de chaleur à chaque molécule cuite, l’intérieur du steak n’a reçu aucune cuisson (à condition de ne pas l’avoir laissé trop longtemps sur la plaque).

Soit un point A situé à l’intérieur du steak, dans la partie encore congelée.

Soit un point B situé à l’extérieur du steak, sur la partie brûlée.

Nous avons le schéma suivant :

Soit la fonction « cuicui », qui, pour tout point p du segment [AB], associe la valeur cuicui(p), correspondant au taux de cuisson du steak au point p.

Quels que soient les points A et B, cette fonction est continue et strictement monotone, du fait de la propagation de chaleur par voisinage moléculaire. (Si on prend les points A et B les plus éloignés l’un de l’autre, on risque d’avoir une fonction pas-strictement monotone, mais y’a qu’à pas prendre ces points là).

Le théorème des fonctions continues strictement monotones nous indique que, pour toute valeur y située dans la zone « correctement cuite », il existe un et un seul point p tel que cuicui(p) = y.

Il y a donc forcément une partie correctement cuite sur le segment [AB].

En faisant varier le point A sur toute la zone congelée du steak, et le point B sur toute la zone brûlée, on en déduit que le steak a forcément une zone correctement cuite, dont la forme est à peu près celle d’une poche creuse en 3D.

C’est ce que vous avez extrait, lorsque vous avez éliminé la partie brûlée et séparé la partie congelée.

Bon appétit !

Et vive les maths !