Événement corporate : le semencinaire annuel

Nous avons récemment eu la chance de consommer un événement corporate, que je vais vous narrer.

Le but était triple :

  • Le midi, bâffrer gratos.
  • L’après-midi, réfléchir ensemble et ensemencer des idées pour la boîte.
  • Le soir, re-bâffrer gratos (best rendement de bâffring gratuit ever !).

Vous l’aurez compris, cet événement était placé sous le signe de la semence.

Et c’est pas vraiment un jeu de mot car les mots ‘semence’ et ‘séminaire’ ont la même racine latine.

Le midi

Rien à voir, mais une coupure de courant était prévue dans les locaux. Ça arrive de temps en temps. J’aime bien, car c’est une excuse pour demander une demi-journée de télé-travail ou pour aller glander en salle de pause.

Par un miracle dont seul le département boîtal « Orgies Internes » a le secret, la coupure de courant n’a pas empêché de dispenser des mini-carrés de pizzas, correctement réchauffés avec tout le respect qui leur était dû. Youpi !

Je passe rapidement sur cette première partie : mangeaillerie et discutailleries de-ci de-là afin de laisser transparaître un minimum de contenance sociale. Vient ensuite le moment de se transférer au lieu événematoire principal.

L’entreprise ConcreteWorld.🌏 fait toujours le choix de placer ces lieux dans des zones un peu isolées, de sorte qu’on n’ait pas d’autres choix que d’y aller en voiture, donc de limiter notre éthylisation. Mais d’autre part, nous sommes encouragés à covoiturer. J’ai donc jeté mon dévolu sur Collèguette Platona, qui a accepté avec plaisir de nous transporter, Collègue Pagne et moi. Ainsi pourrais-je me pochtronner la gueule comme il se doit.

Collègue Pagne s’appelle ainsi car il vient parfois au travail affublé d’un vêtement éponyme, pour manifester son soutien aux Carabanais, les habitants d’une île-village du Sénégal rencontrant de nombreuses difficultés.

Collèguette Platona s’appelle ainsi car elle est l’un de mes fantasmes platoniques.

Je vous explique. Son corps ressemble à ça :

(Elle a juste pas le même costume « imitation pellicule de cheveux »).

Inutile de préciser que cette dame ne m’attire pas physiquement. Mais par ailleurs on s’entend super bien et elle rigole à mes blagues débiles. Dans mes fantasmes, j’imagine donc qu’elle est complètement amoureuse de moi et qu’elle me trouve génial, en revanche on ne fait pas crac-crac. Il ne s’agit là rien de plus que l’un de mes nombreux mécanismes émotionnels d’auto-flattage d’ego.

Rien à dire sur le trajet en voiture. Nous devisons platoniquement de choses et d’autres. Nous arrivons au lieu prévu. Il s’agit d’un classique centre à événements corporates, celui-ci ayant la particularité de proposer des terrains olympiques de pétanques. On n’y jouera pas, mais le détail a son importance.

Je pose mon cadeau dans une hotte. La consigne était de fournir un présent pas cher ou fait soi-même. Ils seraient ensuite tous redistribués randomement. Je vous révélerai plus tard ce que j’ai apporté.

Café et petits gâteaux nous sont jetés en pâture. Je croise Collèguette Punkette. Nous déblaterrons sur le prestataire missionné pour ce semencinaire, que nous croisions de temps en temps dans les couloirs. Punkette pense qu’il n’aime pas les femmes, car il ne les salue pas. Je la rassure : ce monsieur n’est pas du tout mysogine, il ne salue pas les hommes non plus. Ça en a énervé plus d’un.

Personnellement, je m’en tape. Ce qui m’a toujours fait chier avec cette convention sociale du bonjour, c’est qu’absolument rien n’est prévu si tu croises deux fois une même personne dans la même journée. Il n’y a rien à lui dire. Ça me gêne énormément. À chacun de ces moments, je cherche ardemment un moyen de me donner une contenance sociale. Ça se finit en général par un sourire stupide, un onomatopée embarrassant ou une phrase inepte. Bon, c’est pas le sujet, on s’en fout.

L’après-midi

On s’installe à des tables rondes. Contrairement à un événement corporate précédent, je n’aurais pas de faux espoirs concernant l’éventualité de piacher durant les discussions. L’alcool est absent dès le départ.

On commence par des récits corporates de notre MégaChef et des vidéos de futurologues divers.

J’ai pas encore de nom pour MégaChef, promis ça viendra dès que possible.

Ce que je retiens de ces parénèses diverses :

  • Une vingtaine d’année plus avant, deux courbes représentant je-ne-sais-plus-quoi se sont croisées. C’était le signe d’un changement de paradigme.
  • Futurologue Quelconque : « il faudra se trouver des emplois complémentaires à l’Intelligence Artificielle, sinon tout le monde sera au chômage ». Alors moi je veux bien, mais si le fameux changement de paradigme sus-mentionné apparaît, est-ce que les notions d’emploi et de travail garderont leur signification actuelle ?
  • Futurologue Quelconque : « avec le Revenu de Base, dans 50 ans on aura Technopolis et dans un siècle on aura Matrix ». Et alleeeez !! Bien sûr, puisque l’IA va changer tous les humains, ça sert à rien de mettre en place un mécanisme d’investissement générique dans les êtres humains, sous forme de Revenu de Base ! Gros tocard.
  • Une fois de plus, nous nous voyons présentés un power-point comportant une image d’engrenages. Une fois de plus-plus, elle est buggée. Après les roues qui se chevauchent en tournant et le grand classique des trois roues toutes connectées ensemble, on a eu droit aux flèches de sens de rotation qui sont toutes dans le même sens. S’il vous plaît, chers marketeux et autres power-pointeurs, ne faites pas de slides avec des noms de dieu de bordel de merde de vieille pute borgne d’engrenages. Vous ne savez pas le faire. Vous trouvez inévitablement le moyen d’y claquer une couillardise qui aboutira à un système foireux. Arrêtez de vous faire mal et de nous faire mal. Merci. Merde.

Les gérants du centre à événements corporate ont pris soin de placer sur les tables des dépliants explicatifs et auto-promotionnels, sans oublier l’accessoire principal de tout pétanquistes olympiens : le petit crayon pour noter les points.

J’avais prévu le coup et avais apporté mon propre criterium. Mais c’est bien plus promoteur et respectueux d’utiliser le matériel qu’on nous met à disposition. C’est donc avec ce petit crayon que je réalise mon traditionnel dessin de réunion de le Travail. Vous l’avez déjà vu par ici. Pour pas me faire choper, j’active ma super-compétence de « retourner la feuille lorsque quelqu’un de sérieux passe à côté », acquise durant mes années collèges.

Petite pause bouffe et piache, puis vient l’étape d’ensemençage.

La personne sus-mentionnée missionnée pour cette étape se présente. Il s’agit de Prestataire Impoli, qui exerce le métier « d’Expectorateur Semencial ». Comme je suis un rebelle, je propose qu’on le désigne par « le Corporate Bullshiste ».

Ce monsieur nous explique le concept. Il s’agit de blablater dans notre table-ronde sur un sujet spécifique, pendant qu’un maître de table-ronde prend des notes sur un tableau. Ensuite, les équipes sont tradéridéra-isées, à l’exception du maître, qui reste le gardien de son sujet. Et ainsi de suite jusqu’à ce que toutes les équipes aient fait leur parcours complet. Chacune d’elle a un stylo de couleur différente, ce qui permettra par la suite de différencier quelle équipe a écrit quoi sur quel sujet. Cette technique d’ensemençage est nommée : « jeu de la multi-biscotte ».

Photo publicitaire pour le rugby. ramassage de savonnette dans la douche

Cette analogie entre la création d’idées et l’éjaculation est-elle sexiste ? Ça sous-entendrait que les femmes ne peuvent rien inventer. Pour équilibrer, est-ce que je ne devrais pas ajouter une analogie entre la création d’idées et l’ovulation ?

On peut utiliser le terme générique « gonades » pour désigner à la fois des testicules et des ovaires. Est-ce que l’écriture inclusive a défini un mot pour désigner à la fois l’éjaculation et l’ovulation ? Qu’est-ce qui est le plus sale entre le jeu de la biscotte avec du sperme et le jeu de la biscotte avec des menstruations ?

(On va pas mettre d’image ici).

Mais revenons-en plutôt à notre Corporate Bullshiste, qui ajoute que le « livrable » que nous devons fournir est constitué des notes prises durant nos réflexions successives. Je suis pas sûr qu’utiliser du vocabulaire corporate (le mot « livrable ») soit la meilleure manière pour créer une atmosphère ensemançante-ovulatorielle effervescente d’idées. Mais qui suis-je pour juger ?

Je ne me souviens plus précisément des sujets de table-ronde. Il y en avait un sur la diversité. On en a profité pour sortir des blagues de merde sur les inuits et les gauchers (deux minorités représentées à ConcreteWorld.🌏). À plusieurs reprises, des personnes me regardent d’un air interrogato-condescendant en faisant la remarque qu’il nous faudrait un vrai Système d’Information. Merci, je suis au courant, et je ne suis pas en train d’agir pour, car je travaille avec joie et abnégation sur l’outil Pochtronarr.

Notre Corporate Bullshiste passe entre les tables et tente de nous galvaniser, nous encourageant à noter tout ce qu’on trouve qui ne va pas. Moi ce que je trouve qui ne va pas c’est qu’il passe entre les tables et ça nous inhibe. Tout le monde sait que les éléments observés changent de comportement en présence d’un observateur. Il n’y a pas que les livrables dans la vie, il y a aussi les observables.

Moment de tension à la table-ronde tenue par Collègue Pioupiou-Géant. Celui-ci écrit peu lisiblement. Notre Corporate Bullshiste, qui s’était incrusté, le lui signale, et ajoute que ce sera difficile pour lui de recompiler les remarques si c’est noté aussi porcassement. Pioupiou fait alors l’effort d’écrire un peu mieux, mais ça ne convient toujours pas. Notre Corporate Bullshiste insiste. Pioupiou parvient à garder son flegme habituel en ne le regardant plus, y compris dans les moments où il est obligé de lui parler (laconiquement).

Nous tradéridéra-isons comme des petites toupies dans une arène Beyblade-Burst, et cette partie de jeu de multi-biscotte se termine. Notre Corporate Bullshiste demande à ceux qui ont appris des choses de lever le doigt, certains le font. Puis il demande la même chose à ceux qui n’ont rien appris, ce que d’autres font. Pour finir, il invite les gens qui le souhaitent à énoncer des remarques diverses.

Je me manifeste. L’assemblée pousse alors un cri de satisfaction général et quelques applaudissements naissent. Je suis tout fier et tout gonflé d’ego de voir que le monde me kiffe et s’attend à ce que je clôture cette épreuve par un moment de soulagement trublionesque.

Je signale que mon équipe avait le feutre de couleur jaune et que c’est complètement con comme couleur parce qu’on voit pas ce qui est écrit. On a été obligé, à chaque tour, d’expliquer au maître de table-ronde qu’il ferait mieux d’en prendre une autre et de noter qu’elle correspond au jaune.

Ça a plu. Des personnes sont venues me voir après pour me féliciter de mon intervention. Hasthag ego. J’en profite pour montrer à certains d’entre eux mon dessin terminé, dont je suis également très fier.

Après toutes ces émotions : moment joyeux de réconfort avec apéro, champagne et petits machins à manger. Comme d’habitude dans ce genre de situation, je rentabilise au maximum. Par-dessus le marché, je passe pour un mec bien en demandant à chaque fois qu’on me re-remplisse mon verre de champagne plutôt que d’en prendre un nouveau. Le petit personnel me remercie pour l’économie de vaisselle.

Soirée

Je croise Collègue Pioupiou-Géant, qui m’annonce d’un air blasé qu’il a reçu l’ordre de réécrire au propre tout ce qu’il a noté. Pauvre Pioupiou. Une personne random lui apporte du champagne of greater heal.

Collègue Lucène-Lapin apparaît déguisé en Père Noël, avec sa hotte remplie de nos cadeaux. Il s’assoit sur un fauteuil et chacun vient en prendre un. C’est une technique super classe pour mettre des filles (et aussi des mecs) sur ses genoux.

Je récupère une boîte standard de petits chocolats. J’ai cherché un peu à savoir de qui ça venait, sans trouver. Pas grave, c’est un cadeau qui me satisfait très bien. Le seul petit problème c’est que je ne peux en extraire aucune connerie ni aucun déblaterrage qui aurait trouvé sa place dans cet article.

C’est Collègue Lionel-Astier qui récupère mon cadeau, il en explose de rire. Il s’agit d’un coupe-papier-toilette, accompagné d’un petit mot expliquant au bénéficiaire qu’il peut soit le garder pour sa maison, soit en faire don à ConcreteWorld.🌏. En effet, le papier toilette des toilettes boîtales est parfois extrêmement difficile à couper, surtout lorsque le rouleau n’est pas entamé. Ça m’a valu des moments de rage terrible à blom-blomer fébrilement ce putain de rouleau pour en trouver l’extrémité et arracher péniblement des lambeaux de feuilles destructurés.

Le coupe-papier-toilette

Collègue Lionel-Astier approuve l’idée et annonce que dès demain, ce prestigieux objet sera présent dans les Concrete-Gogues. Je suis heureux, c’est exactement ce que je voulais. C’était un coup risqué, car si le cadeau atterrissait dans les mains d’une personne d’un autre site, ou d’une femme, ou de quelqu’un qui aurait souhaité le garder, je n’aurai pas pu en profiter.

Est-ce que c’est sexiste de vouloir que ce soit un homme qui ait mon cadeau et pas une femme ? Et pour aller plus loin dans la réflexion : est-ce que c’est sexiste de vouloir séparer les toilettes des hommes et des femmes ?

Un collègue quelconque m’explique qu’il a récupéré son propre cadeau, comme ça « il est pas emmerdé et il a pas de mauvaises surprises ». C’est la lose totale. À une époque un peu déprimée de ma vie, je voulais me programmer ma petite descente aux enfers personnelle. J’y aurais certainement intégré des choses comme ça, entre deux étapes plus importantes.

Un magicien, dépêché sur place, passe entre les groupes et nous propose d’amusantes tromperies. Tout le monde est bluffé. Je m’attendais malgré tout à un peu mieux de sa part, il n’a pas fait de boules de feu.

Eeeeet voici la carte que vous aviez choisie !

Le repas se passe très bien. Bonne bouffe, alcool, discussions diverses, magicien qui continue son show.

J’ai compris l’un de ses tours (plus précisément, on me l’a expliqué). Il demande à trois personnes différentes de choisir un truc (un nombre, une couleur, un type d’accélérateur de particules). À chaque fois, il note quelque chose sans nous le montrer, chiffonne la feuille, et demande la réponse. À la fin, il montre toutes les bonnes réponses. En fait il à juste décalé l’écriture de chacune d’elle. Pour amorcer le truc, il avait ajouté une question initiale qui était sous une autre forme : choisir des boîtes d’allumettes dont il a appris les couleurs par cœur ou quelque chose comme ça. Bon, j’explique super mal, on s’en fout, on passe à autre chose. De toutes façons il a pas fait plus de boules de feu qu’avant.

À la fin du repas, les serveurs embarquent vivement nos bouteilles d’alcool. J’avais vu le coup venir et m’étais servi un plein verre juste avant. Mon voisin qui n’a plus soif me propose de terminer le sien. La soirée se suicide alors de façon spectaculaire, en une apothéose de molécule éthylée.

En effet, immédiatement après la fin du repas s’est amorcé un mouvement général de rentrage. J’ai trouvé ça un peu court. On aurait pu continuer de discuter un peu, ou danser sur « Royal Salute » de Brain Damage. Mais non. Go home direct.

Je me retrouve donc en voiture avec Collègue Pagne et surtout avec Colléguette Platona. Je suis aux anges, d’autant plus qu’elle nous avoue qu’elle va avoir besoin de nous pour la distraire, afin qu’elle ne s’endorme pas au volant. Ça ressemble à un début de scénario de film platonique (c’est l’inverse d’un film pornographique).

On discute de tout et de rien, puis on décide d’appeler des gens de la soirée avec la super voiture téléphonique de Platona. À chaque fois que ça décroche, on braille « Bonne annééééééé !!! » et juste après : « Tourne à gauche ! ». Y’a des gens qui ont vraiment cru qu’on leur donnait un conseil de direction voitural. On aurait pu en paumer de cette manière, ça aurait été très amusant. On propose également à certains de se retrouver en boîte de nuit, ce qui a parfois suscité de l’intérêt. Mais on s’est dégonflé et on a avoué que c’était une blague. #je_suis_trop_vieux_pour_ces_conneries.

Puis on rentre platoniquement dans nos maisons respectives.

Tourne à gauche !!

Épilogue

Tout d’abord, je me dois de compenser l’image d’indienne toute maigre que j’ai placée précédemment.

C’est mieux d’y mettre les formes

Le lendemain, debriefing général. J’apprends que notre Corporate Bullshiste a collé, voire dragouillé Colléguette Carnea pendant une bonne partie de la soirée. Ce gars est vraiment un tocard. Je l’imagine bien chez lui, au milieu de la nuit, alors que sa femme dort. Il se lèverait en douce pour se masturber, déguisé en Louis XIV, tout en écoutant du Wagner et en s’imaginant recouvrir le corps de Carnea de tranche de rumsteack Label Rouge, le tout « avec son petit coussin pour s’essuyer les doigts ».

Ça rejoint la notion de semencinaire.

Quelques semaines plus tard, nous recevons le livrable final, c’est à dire un rapport computant l’ensemble de nos remarques (y compris celles notées par Collègue Pioupiou-Géant).

Extrait :

Les supérieurs hiérarchiques doivent porter une attention abnégationelle à la priorisation des tâches de leur ouailles. Il faut réaliser en premier ce qui est facturable.

Oh, Chef Random, le tocard social de mon ancienne boîte, m’avait sorti exactement la même ineptie imprécise lorsque je l’avais interrogé sur l’ordonnancement de mes tâches. Je m’étais alors demandé ce que j’étais censé faire entre : terminer un projet qui sera facturé à la livraison, et claquer de la maintenance qui est facturée en continu chaque année.

Alors évidemment, le chef aurait répondu : « le projet d’abord, on s’en fout des maintenances ». Et l’année suivante, le client de la maintenance n’aurait plus voulu payer, parce qu’on n’aurarait rien fait. Et le chef serait revenu à la charge en me houspillant : « vous avez rien branlé espèce de branquignol, c’est de votre faute si on a perdu ce client ».

Cela dit, dans mon ancienne boîte, ça s’était pas passé comme ça. Chef Random avait répondu : « faites le projet, mais n’oubliez pas les maintenances, c’est important aussi ». Puis quand il a été débouté de son poste comme un malpropre, la réponse officielle de Chef «  » à mes demandes de priorisation était : «  » (il ne répondait pas), et sa réponse officieuse était « mais c’est des vrais gamins ! Ils sont-y donc pas capables de décider ça tout seul ? ».

J’ai déjà raconté tout ça, mais les souvenirs sont remontés et j’ai éprouvé le besoin de cracher encore un peu de ma bile. Désolé.

Un dernier extrait du livrable final :

Blasonnement parlant, l’image de ConcreteWorld.🌏 est espiègle et raffinée, percutante et disruptive.

Et sinon, il y avait une faute dans le rapport. Chouette. Je vais pouvoir faire le lèche-cul : la signaler de manière innocente, et par là-même prouver que je l’ai lu en entier et que donc je suis impliqué à donf’ de ouf’.

Événement corporate : les Temps Forts de Pochtronarr (1/2)

Hey vous, voici le récit d’un événement corporate.

Y’en a une tartine, donc je l’ai coupé en deux.

Contextualisation rapide

Je travaille à ConcreteWorld.🌏, une société qui a pour mission de conserver la réalité dans l’univers.

Nous détectons et corrigeons les événements de non-application des lois de la physique avec une réactivité et un soin exemplaire. Vous avez entendu parler des bugs dans la Matrice ? Eh bien dans les mètres-cubes-seconde de coordonnées spatio-temporelles dont nous avons la charge, il en est survenu très peu. Notre activité grandit progressivement, car la confiance de nos clients, la ténacité de nos commerciaux et l’abnégation de nos techniciens nous font remporter de plus en plus de m³.s.

Cette description provient de notre site internet. J’espère que vous ne m’en voudrez pas trop pour le corporate bullshit.

Comme toute entreprise qui se respecte, nous utilisons un « outil de gestion de trucs ». Celui-ci supervise, entre autres, les latences de causalité, les pertes d’euclidianité, la localisation des relais de synchronisation d’entropie, la surveillance de la machine à café, les stocks de papiers toilette, etc.

Très souvent, le fameux outil « pour tout gérer » ne gère finalement rien, mais ce n’est pas intrinsèquement de sa faute. C’est juste qu’il faudrait finir de le configurer, le maintenir, saisir les données nécessaires, mettre à jour les processus, etc. Bref, tout ce qui a été malencontreusement pas mentionné ni prévu lors de son achat. L’outil végète donc dans un coin et est utilisé pour 0.05 trucs sur les 1000 imaginés au départ. Pour achever le tout, il est souvent indisponible et avec un temps de réponse décourageant, car le serveur sur lequel il a été installé héberge maintenant 10 autres applications qui elles, sont utilisées réellement.

À ConcreteWorld.🌏, c’est un peu différent. Si l’outil qui gère tout ne gère rien, ce n’est pas uniquement à cause de son environnement, c’est aussi et surtout la faute de l’outil lui-même, buggé jusqu’à la garde. Je ne vais pas vous faire la liste complète des aberrations de ce charnier de code, j’en aurais pour une bonne douzaine d’articles de blogs. Retenez juste ces 3 informations principales :

  • L’outil se nomme Pochtronarr.
  • Il est édité (et vendu à un prix non négligeable) par une société appelée « Ploucocratt ».
  • Il est tout pourri.

Le décor étant planté, je peux maintenant vous narrer l’événement corporate dont il est question : Ploucocratt nous a convié à un rassemblement de leurs Clients, afin de nous présenter les évolutions des produits, d’échanger entre nous, de participer à des tables rondes, de bouffer gratuit, etc. Ils ont baptisé cette journée : « Les Temps Forts de Pochtronarr », en précisant bien qu’elle serait placée « sous le signe de la convivialité ». Youpi.

L’invitation à ces Temps Forts nous est arrivée sous forme d’un mail, dont la première ligne était :

Bonjour, cher {nom_du_contact}.

Petit souci de template de mass mailing. M’étonnerait pas qu’ils aient programmés ça avec Pochtronarr.

J’étais moyen chaud pour faire le déplacement, mais Semi-Chef Pez y tenait grave taquet, alors j’ai fini par dire « banco ».

Semi-Chef Pez est le responsable de la mise en place de Pochtronarr. En fait c’est un Collègue, mais Chef Peyotl m’a donné pour ordre de suivre ses directives, ce qui l’a donc promu au grade de Semi-Chef.

Il s’appelle Pez car il a une dépendance au sucre. Il a toujours un chargeur de ces petits bonbons, et en ingère un de temps en temps dans un petit bruit de « cla-clak ».

Chef Peyotl s’appelle ainsi car il a visité tous les pays du monde pour trouver l’alcool qu’il apprécierait le plus. Ça s’est révélé être le peyotl.

 

En route !

Nous voilà donc partis en road trip, Semi-Chef Pez et moi, en direction du fief de Ploucocratt.

Comme précédemment révélé, je suis une grosse quiche au volant. Il existe des conducteurs qui maîtrisent, mais qui aiment les sensations fortes, ce qui les rend dangereux. Moi c’est plus simple, je maîtrise juste pas.

Semi-Chef Pez est une grosse quiche en guidage de conducteur, car il ne sait pas se servir d’un Tom-tom.

Nous avons donc très intelligement attribué le rôle de conducteur à moi-même, et celui de copilote à Pez. Plusieurs mois après, il m’a avoué que mon style de conduite chaotique lui avait fait « chier de l’huile » durant tout le trajet.

On devrait avoir le droit de dire sur son CV qu’on est, voituralement parlant, un handicapé saltimbanque cyclothymique.

Rien d’autre de notable à dire sur ce passage de ma vie. On arrive à l’hôtel, on s’installe, on se retrouve pour bouffer, on a une discussion conventionnelle, on se retire chacun dans notre chambre-bungalow respectif. Je trouve un scolopendre dans le lavabo, mais osef.

 

Le matin

Mini-trip en voiture, mini-chiage d’huile par Pez et nous arrivons au prestigieux lieu des Temps Forts. Nous sommes accueillis par des Ploucocratiens habillés en semi-formal, ce qui souligne la convivialitude de l’événement, tout en montrant qu’ils ont fait un petit effort pour nous, car un peu de lèche-bottage ne fait jamais de mal.

On nous donne à chacun un sac à goodies contenant du bla-bla de présentation, un formulaire de participation à un quizz stupide, un polo et un chargeur universel de trucs rechargeables. Ce serait des objets intéressants s’ils n’étaient pas estampillés « Pochtronarr ».

Nous nous voyons également offrir un petit carton à notre nom, à accrocher à notre boutonnière, afin de savoir qui est qui et de quelle boîte. Nonobstant le fait que la police de caractère utilisée est le Comic Sans MS, les prénoms ne sont pas écrits. C’est « Monsieur Machin », « Madame Truc », etc. C’est pas ce qui aide le plus à se placer « sous le signe de la convivialité ».

On prend place pour les premières démonstrations, le thème étant « les nouveautés de la nouvelle version ». Je ne vous conte pas tout en détail, ce serait lourdingue (autant que le fait que cela nous est présenté sous forme de Power Point). Voici donc un florilège des moments les plus amusants.

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Diapo de remerciement général, avec les logos de tous les gentils clients, disposés de manière à former le mot « merci ». Celui de ConcreteWorld.🌏 n’y est pas. On ne doit pas être assez prestigieux, ou alors ils nous détestent parce qu’on arrête pas de relever leurs bugs et leurs failles de sécurité.

Diapo de trombinoscope des fringants employés ploucocratiens. Le locuteur annonce : « je vais lister les gens de gauche à droite » et il les liste de haut en bas.

Nous avons :

  • Fournisseur-Mega-Chef TecNoTIC.
  • Fournisseur-Consultant Frigo.
  • Fournisseuse-Commerciale Jacquotte.
  • Fournisseur-Dir-Tech Ashereff.
  • Fournisseur-Sous-Mega-Chef Mick-Jagger.
  • Fournisseur-Support Jeunot.
  • Fournisseur-Consultant Craquelé.
  • Fournisseur-Développeur Drache-Code 1
  • Fournisseur-Développeur Drache-Code 2
  • etc.

Vous l’avez certainement déjà compris : leur titre de noblesse à tous est préfixé de « Fournisseur » car ils sont fournisseurs de ConcreteWorld.🌏. On aurait pu utiliser le préfixe « Sous-Traitant », mais c’est moins classe, et ça aurait fait des titres encore plus long.

Nous expliquerons au fur et à mesure du récit les noms de certaines de ces personnes.

Diapo animée vantant les fonctionnalités de Pochtronarr, avec des engrenages qui tournent. Ils ne sont pas synchros et se traversent. C’est très amusant et très représentatif de l’outil : à première vue tout fonctionne, mais dès qu’on fait le moindre simple test, des symptômes révèlent que tout va péter et que c’était totalement irréaliste de croire que ça allait marcher.

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Dans une présentation corporate, l’humilité assumée est le nouveau moyen de se la péter. On dit qu’on s’est planté, pour pouvoir ensuite insister sur le fait qu’on a été suffisamment observateur pour détecter le problème, suffisamment intelligent pour se remettre en question et suffisamment re-intelligent pour trouver une autre approche. Fusent alors des expressions comme : « on s’est aperçu que », « on a corrigé les erreurs de jeunesse », « on reconnaît que », etc.

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Expressions qui claquent :

« On se développe à l’international, nous avons maintenant des clients à Monaco. »

Ouais, sauf que la base de données de l’outil est encodée en Latin-1. Du coup, vous allez vous développer à l’international-anglais. Oublions les chinois, les arabes, les russes et les grecs.

« Nous éditons un ERP Métier ».

Le mot « Métier », ça impressionne toujours.

« Une solution adaptée au marché, avec les nouvelles technologies ».

En vrai c’est du C#, les pages web sont en asp.net, et le langage de script pour implémenter les process Métier c’est du … On verra ça plus tard, je vous laisse la surprise.

« On a un existant qui est lourd ».

Ça veut dire que leur base de code est pourrie, mais qu’ils n’ont pas la capacité intellectuelle et/ou financière de poser leurs gonades sur leur clavier et de tout remettre à plat. Donc ils rajoutent des couches de bordel, des patchs, des bouchons, des solutions de secours, des outils externes qui rattrapent les boulettes, etc. En tout cas, cet « existant lourd » est leur excuse par défaut à chaque bug que je leur signale.

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Un gros paquet de communication a été émis concernant la nouvelle version majeure de Pochtronarr, un paquet encore plus gros sur la refonte totale de l’aspect visuel, l’ergonomie et la convivialité. (Décidément, ce mot « convivialité », il claque, voire même il chabraque du brontosaure hydrocéphale à la scie égoïne).

Durant les différentes démonstrations, les impondérables suivants ont été relevés :

  • Un clic sur une option fait apparaître un sous-menu déroulant, mais celui-ci est masqué par certains éléments de la page. Petit souci de « z-bug ».
  • Un tableau de données s’affiche au même endroit qu’un autre texte. Il faut développer-réduire deux fois de suite ce tableau pour que ça se réorganise correctement.
  • La liste d’une combo-box est coupée par la limite du formulaire dans laquelle elle se trouve, et n’affiche que les deux premiers choix.
  • Une fenêtre d’alerte mal taillée, cachant la fin du texte du message.
  • Diverses fautes d’orthographe dans les formulaires, en particulier des terminaisons de verbe « er/é ». (Astuce futée : remplacer par un verbe du troisième groupe, le mieux étant le verbe ‘prendre’, car il permet de détecter le féminin avec ‘prise’).
  • Un mail envoyé automatiquement, comportant le mot « Mail » dans son sujet. Merci Captain Obvious.

Je dois toutefois modérer mon propos : plus tard, j’ai eu l’occasion de tester cette fameuse nouvelle version avec Chrome et Firefox, et la plupart de ces impondérables n’y sont pas apparus. C’est juste que là c’était sous IE.

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Madame Roupy, de la société Nil, glousse à chaque remarque prétendument humoristique.

Est-ce que c’est sexiste, de mentionner ce non-événement, ou pas ?

Ça ne devrait pas, puisque cet article brosse également le portrait d’individus masculins, en des termes aussi peu élogieux que ce que je viens d’écrire là. Mais le gloussage est une activité qu’on attribue péjorativement aux femmes, donc c’est sexiste de renforcer ce stéréotype. De plus, je mentionne beaucoup d’hommes, ce qui amène quelques petits passages avec des termes moins pas-élogieux que d’habitude. Or, je n’ai pas l’occasion de faire cela avec les femmes, puisqu’elles sont moins mentionnées. Là encore, c’est sexiste. Mais c’est pas de ma faute dans le sens où il y avaient beaucoup plus d’hommes que de femmes lors de ces Temps Forts.

Est-ce que je dois augmenter artificiellement la mention et la présence des femmes dans cet article, pour atténuer le sexisme et la non-parité inhérente aux métiers de l’informatique ? Est-ce que ça ne risque pas de rendre mon article bidon, encore plus irréaliste que ce qu’il n’est déjà, et entâché de bien-pensance niaise ?

Est-ce que c’est sexiste d’avoir écrit ce paragraphe de réflexion interne, qui sous-entend lourdement que si je me suis senti obligé de l’écrire, c’est justement parce que notre époque a changé et qu’on doit maintenant faire beaucoup plus attention à ne pas balancer des remarques relevant du sexisme ordinaire ?

Je ne sais pas. Passons à autre chose.

Où sont les femmes qui auraient pu faire de l’informatique ? Ah ben elles sont là.

*)

Ces Temps Forts sont également l’occasion pour les ploucocratiens de s’envoyer des fleurs entre eux et se faire des petites blagounettes de convivialititude.

« Le rendu des graphiques en mode image était très mauvais. Mais nos développeurs ont arrangé ça et j’ai été bluffé. »

« Je ne désespère pas qu’ils améliorent la fonctionnalité des récaps. (Hu hu hu, j’en profite pour leur passer des messages). »

« On est les seuls à faire un produit qui soit compatible Oracle, postgreSQL et SQL Server »

Oui, euh… ça s’appelle un ORM (Object-relational mapping). Django le fait, pour ne citer qu’eux. Sauf que vous, vous mettez les différences de dialecte SQL au niveau des scripts de process métiers, alors que ça devrait être à un niveau plus bas (dans le moteur de l’outil). Parce que là on doit tout se repalucher à chaque script. Dans les faits, on repaluche rien, on reste sur le SGBD choisi au départ, et on prie pour qu’on n’ait jamais besoin de le changer.

« Il reste un petit souci avec les indicateurs graphiques, mais les développeurs vont nous optimiser tout ça. Il y a eu un gros effort d’intégration. »

« Haha, quel rigolo je fais ! Dans le formulaire, je n’ai coché que des PC marqués comme étant ‘en panne’. »

« Oups, ça n’a pas marché. Mais c’est normal, le champ Description est obligatoire. Quel intelligent coquin cet outil ! Il me demande de me justifier. »

Fournisseur-Mega-Chef TecNoTIC annonce fièrement :

« on a entièrement restructuré nos méthodes de travail en interne, maintenant, on est AGILE. Les développeurs sont à fond durant leurs ‘ ‘ ‘sprints’ ‘ ‘. ».

Il avait tellement mis de guillemets autour du mot « sprint » qu’on a tous compris que pour lui, ça restait un terme très exotique. Et il avait tellement mis de guillemets autour des guillemets autour du mot « sprint », qu’on avait également compris qu’il revendiquait sa non-comprenance totale de la méthode AGILE.

TecNoTIC s’appelle ainsi car il travaille dans une entreprise de TIC, mais lui-même n’y connait rien. Vous avez peut-être déjà rencontré ce genre de chef. Ils se vantent de leur ignorance. C’est un comportement que l’on pourrait relier au concept de « l’humilité assumée qui est un nouveau moyen de se la péter. ».

Mais c’est aussi une insulte envers lui-même. L’informatique fait maintenant tellement partie de notre vie que même si vous ne travaillez pas dedans, c’est important de s’y connaître un minimum.

Et c’est aussi-aussi une manifestation de condescendance, voire de mépris, envers ses employés : « la programmation est un domaine pour les gueux travaillant au bas de l’échelle. Je suis au-dessus de ça, donc je n’ai pas besoin de m’y connaître ».

Petit édulcorage de mon propos : j’ai eu l’occasion, plus tard, de rediscuter avec cette personne, il se trouve qu’il s’y connait malgré tout un minimum. Disons qu’il sait ce qu’est un cookie et qu’il a une vague connaissance du concept de l’authentification décentralisée.

Allez les gueux ! Finissez-moi ces features et pondez-moi cette release ! *claquement de fouet

*)

Je profite de toutes ces démos pour remplir la feuille du quizz à la con.

Il est gavé de questions stupides et captain-obvioussesques. C’est limite un dénigrement de mon intelligence et de ma mémoire.

La dernière question :

Qu’y a-t-il dans la nouvelle version de Pochtronarr (multi-cochage possible) ?

– Une refonte totale et endoscopique de l’interface utilisateur.

– Un module d’analyse d’image vous obligeant à utiliser des photos de vous à poil pour votre image de profil.

– Un changement de paradigme intrinsèque dans le noyau du sous-moteur déterminant la couleur des graphes en camemberts.

Je rajoute une case en dessous, sans la cocher, et j’écris : « intégration du langage python, parce que les scripts métiers en Small-Talk avec l’IDE de Scratch, on a fait mieux depuis ».

Voilà comment ont programme les scripts. Ça valait le coup de l’annoncer avec un peu de suspens.

*)

Parfois, les ploucocratiens s’envoient de vilaines petites piques.

« Nombreux sont les consultants qui ont eu un peu de mal avec la nouvelle fonctionnalité de multi-affichage. »

« On a eu quelques mauvaises surprises sur les temps de réponses. »

(Après une remarque d’un ploucocratien random) : « Non mais c’est à moi de parler, c’est pas à toi ».

« Je suis pas commercial, je fais pas d’effet d’annonce. »

*)

Et bien sûr, nous avons les inévitables aléas dûs au célébrissime « effet démo ».

« Ah, mon poste n’est pas en forme. »

Le glisser-déplacer d’un fichier dans une zone d’un formulaire web qui foire.

Une belle petite erreur 500. On a les mêmes. Elles sont totalement aléatoires.

« Moui bon, il y’a un petit souci sur les abscisses. »

(Aspect visuel, convivialitationnitudité, tout ça…)

Tentative de faire un regroupement de champ avec un tableau de données de 3000 enregistrements. Boum, ça pète.

« Ça devient moins rapide au fur et à mesure qu’on rajoute des fonctionnalités. »

Euh, non. Quand le moteur interne est bien structuré et que la fonctionnalité est ajoutée correctement, ça ralentit pas tout le reste. Mais bon…

« Ouh, vous êtes un aventurier. »

C’est la réponse que j’ai obtenue après avoir demandé qu’on teste quelque chose de particulier (je ne sais même plus ce que c’était, et osef). À vrai dire, j’avais à peine énoncé une action préliminaire à ce que je voulais réellement voir testé. Rien que ça faisait déjà de moi « un aventurier ».

« Globalement, normalement, ça fonctionne. »

*)

Parfois, les problèmes ne viennent pas d’un vilain et inattendu effet démo, mais des fonctionnalités elles-mêmes, ou de la manière de les présenter.

« À la demande de beaucoup de nos clients, l’enquête de satisfaction a été intégrée dans les mails ».

Dit comme ça, c’est impressionnant. En vérité, c’est juste des urls ouvrant sur une page spécifique de Pochtronarr. Et comme les infos de connexion ne sont pas enregistrées dans un cookie comme dans tout site qui se respecte (me demandez pas où elles sont enregistrées, j’ai même pas cherché), eh bien il faut se relogger pour répondre à l’enquête. Passons…

Démonstration de cette fonctionnalité. L’exécuteur de la démo clique sur la note la plus mauvaise (un petit smiley pas content du tout, #on_est_trop_des_geeks) et indique en commentaire : « ça ne marche pas, gros nuls ». Voilà un story-telling couronné de conconvivivialiturpitude !

« Le champ ‘Remarques’, vous oubliez ».

Ce champ contenait du putain de SQL. Merci de ne pas nous prendre pour des débiles. S’il est là, à priori c’est pas pour rien et faut justement pas « l’oublier ». D’autres part, quelle décadence d’enchaînement d’événements a-t-on dû s’infliger pour se retrouver dans une situation dans laquelle un champ intitulé « Remarques » doit contenir du SQL  ?

« Wolk on line »

Il s’agit de la manière dont Fournisseur-Consultant Frigo prononce le terme « Wake on lan ». (Plus de détails ici : https :// fr.wikipedia.org/wiki/Wake-on-LAN).

De manière générale, j’ai remarqué que l’ensemble des interfaces et de la documentation de Pochtronarr montre des symptômes inquiétants de gloubiboulgatisation sémantique et de mauvaise maîtrise du langage (qu’il soit parlé ou de programmation) : fautes d’orthographes, homonymes dans les noms de concepts, code non factorisé, encodage et caractères spéciaux non compris, etc. Ce « wolk on line » en est une confirmation.

Vous vous rappelez de Collègue Eurod’, l’anti-Raymond Devos de l’ancienne crémerie où je travaillais ? Je retrouve un petit peu de lui dans Pochtronarr.

Sur ce, les fabuleuses démonstrations du matin se terminent, il est temps de se précipiter vers la boustifaillou-graillasse.

 

Repas de midi

Sauf que c’est pas tout de suite l’instant boustifaillou-graillasse. Là c’est « temps libre pour sociabiliser avec nos homologues d’autres sociétés ». Une idée fort louable, mais pour laquelle je n’ai que très peu de talent. J’envoie un SMS à une personne imaginaire pour me donner une contenance.

Semi-Chef Pez, qui est meilleur que moi à ces mondanités, parvient à choper « Monsieur Mucarpet », un techos d’apparat de chez CarGlass affublé de lunettes de la sécurité sociale. Oui oui, ils ont des techniciens informatiques chez CarGlass. Et leurs verres de lunettes sont très épais.

C’est une belle prise de la part de Pez, car nos deux instances de Pochtronarr ont un bug en commun. Une histoire de changement d’état d’un neuro-transmetteur virtuel qui est aléatoirement non pris en compte. On est à la fois rassurés de voir qu’on n’est pas les seuls à avoir une foule de problèmes avec cette merde, et inquiets de voir que ces problèmes ne semblent pas résolus, ni même pris en compte, ni même reconnus par les ploucocratiens.

On tente de le leur faire entendre. Fournisseur-Dir-Tech Ashereff répond : « chez d’autres clients ça marche », et « c’est la faute à vos scripts métiers, quand vous en codez un, il faut toujours mettre le changement d’état en dernier ». Je veux bien être d’accord, mais le bug a lieu lors de l’exécution d’un script standard fourni avec Pochtronarr. Donc soit ils respectent pas leurs propres consignes, soit ça vient pas de là. Bref, chou blanc pour tenter d’attirer leur attention sur ce bug.

Entre temps, Semi-Chef Pez alpague d’autres ploucocratiens pour les vilipender, comme quoi l’installation de notre Pochtronarr aurait été effectuée via un concours de lancers de seaux de vomi.

Les ploucocratiens alpagués admettent sans trop de résistance que le consultant qui nous a été affecté s’est révélé par la suite être un radiateur de la planète Radiateur, déguisé en humain et visitant la Terre dans le cadre d’une excursion « Tourisme authentique de galaxies panachées ». Il a été viré depuis, mais les séquelles de son passage parmi nous restent encore.

Je suis content que Ploucocratt avoue avoir copieusement merdé. Par contre le minimum aurait été de réparer. Or, la seule chose qu’ils nous proposent c’est : « on corrige vos bugs, on finit de livrer ce que vous avez demandé au départ, on tire un trait et on repart à zéro ». Mouais bof. Je trouve ça un peu léger comme réponse. Et de toutes façons, il n’ont pas spécialement corrigé leurs bugs (se référer à ce que je viens de raconter juste avant).

Dialogue entre Semi-Chef Pez et Fournisseuse-Commerciale Jacquotte :

− On aimerait aussi avoir une fonctionnalité d’arborescentisation des psycho-tropismes. Comment on peut faire ça ?
− Pour toute demande d’évolution, voyez avec votre consultant.
− Oui, et c’est qui ? Parce que ça a changé quatre fois depuis cette histoire de radiateur déguisé en humain.
− …

Jean-Rudy Radiateur, en train de se reposer.

Fini pour aujourd’hui

Comme annoncé, je coupe ce récit en deux. La suite arrivera le mois prochain. J’imagine qu’une multitude de questions cruciales hantent maintenant votre esprit :

  • Qui remportera les cadeaux du quizz idiot ?
  • Réchèr aura-t-il l’occasion de boire suffisamment d’alcool pour se désinhiber et dire ce qu’il pense vraiment de Pochtronarr ?
  • Quel est le secret du nom de Fournisseur-Consultant Frigo ?
  • Pourquoi ?

Vous le saurez au prochain numéro.

Allez les #0000FF !! Allez les #0000FF !!

Parfois je regarde ma propre vie : mon boulot, mes loisirs, les choses que je fais avec mes amis, avec ma chérie… Et je me dis que tout cela est bien vain, et que je devrais peut être arrêter de me fatiguer autant. Car la seule certitude que je puisse avoir dans ce monde étrange, c’est qu’au bout d’un temps suffisamment long, l’ensemble du résultat de mes actions sera oublié. Peut être pas oublié des machines, qui garderont quelques vagues traces de moi au fond d’un disque dur ou deux. Mais inévitablement oublié des humains et autres êtres vivants.

Puis je regarde la vie des autres, et je m’aperçois qu’elle est tout aussi foireuse et oubliable. Alors je me dis : « oh, OK ». Et je me réactive.

Messieurs les humains à la mémoire courte, préparez-vous donc à oublier le

numéro 14

du magazine

42.

Avec pour

thème :

le sport.

magazine 42 couverture 14

Vous allez me dire « le sport, c’est pas geek du tout ». Dommage pour vous, votre petite tentative de déstabilisation mesquine a été répondue dans l’editorial-intro. Allez-y donc dessus.

Téléchargement derik ici (http ://42lemag.fr/archive_n14.php).

Or donc, qu’y ais-je vomis ?

Page 2 : Publicité pour le Thunder Crush

Le nom a l’air de présager d’un truc qui fragge du fennec folliculaire à la faux (pour ceux qu’ont pas compris : « ça poutre »). Mais en fait pas du tout, c’est simplement débile.

J’avais entendu dire que les maisons de retraite achetaient des Wii pour faire bouger les vieux une dernière petite fois. Eh bien avec le Thunder Crush, ils vont bouger beaucoup plus. Et en même temps, ça réglera le problème des retraites, des maisons de retraites, et de l’absurde sens de la vie mentionné plus haut. Bouh, je suis pas gentil.

L’autre pub de la même page n’est pas de moi, comme cela y est indiqué.

Page 13 : Publicité pour le formidable jeux web « Virtual Cadres »

Ca a pas l’air comme ça, mais j’y ai passé un certain temps à réaliser cette image idiote. Surtout les screenshots. J’ai essayé d’imaginer à quoi pourrait ressembler un jeu de ce genre. Je suis tellement heureux de moi que je vais détailler mes petits dessins moches.

Le premier screenshot représente les achats d’équipements. Il y a un costard +5 en self-confidence, et un +8 en leadership. On voit pas ces infos en entier, mais si je vous le dis, c’est que c’est ça.

Le second représente les actions que le joueur peut faire, concernant une décision à prendre. Il faut s’imaginer des trucs corporate de la fouffe, tels que : choisir le nom du nouveau logiciel ultra high tech que l’entreprise va créer, ou déterminer la couleur du logo de la prochaine campagne marketing-viral.

Il y a trois actions possibles, qui ont toutes un potentiel différent en « conclusage d’un accord » (icône poignée de main) et en « trouvage d’idées originale » (icône ampoule). Ses actions ont un coût en ressources : du temps (les espèces de petites pendules bleue) et du café.

Oui je sais on voit que d’alle parce que les dessins sont tout petits. Rien à foutre, moi je tripe tout seul dans ma petite tête, et j’ai besoin de personne en Harley Davidson *pwaaap *pwaaap.

Le dernier screenshot est une sorte de tableau de bord récapitulatif. On y voit les ressources du joueur pour la journée en cours (temps et café), ainsi que sa position actuelle dans l’organigramme de la boîte.

L’idée top délire de mélanger une fausse pub avec une vraie, et de demander aux lecteurs de trouver laquelle est laquelle, vient de Polo, notre slipologue préféré.

Non non, je ne viens pas de spoiler tout le truc. Le jeu « Virtual Cadres » pourrait exister, et on pourrait m’avoir demandé de créer une pub à ce sujet. Oui, parce que moi, je suis créateur de publicité moi ! Comme dans les comédies familiales avec Muriel Robin, et les bouquins tout crotteux de Marc Lévy. Créateur de pub, c’est un métier qu’a de la classe. Pas autant que trader, mais presque.

Page 52 : Article sur les sports avec des animaux

Merveilleux petit tour d’horizon des sports pour humains, impliquant d’une manière ou d’une autre, des animaux. J’y décompose mon propos en trois parties :

  • Les sports avec des animaux vivants
  • Les sports avec des animaux vivants mais plus pour longtemps
  • Les sports avec des animaux morts
  • quelques surprises finales.

Et ça fait pas 3 parties, mais c’est pas grave.

page 60 : Comment réaliser des « mails qui tournent sur internet »

Je crois que c’est l’un des articles dont je suis le plus fier actuellement. J’ai pris un grand plaisir à décrypter les codes culturels des mails et power point pourris que vos collègues et vos amis vous transmettent, « parce que c’est rigolo/important/ça va changer votre vie ».

Tout est détaillé : mise en forme, format de fichiers à la con, sujets traités, mépris des règles esthétiques les plus élémentaires, etc. Je me permet également quelques pétages de plombs cafardeux. « Il faut bien que l’on comprenne que vous haïssez la Terre entière et que votre désir profond, c’est de larder le corps de vos amis avec un fouet à pointes. »

L’article a pas trop de rapport avec le thème, mais vu que je suis le maître du monde avec des brocolis…

Les nouveaux l’amis de l’internet du mois.

Ce sera vous, lecteurs, mes nouveaux l’amis de l’internet. J’ai une petite surprise dans ma besace que je vous révélerais dans quelques jours. Au fait, la Motion Twin a sorti Naturalchimie 2. Pour l’instant c’est encore en version bêta. Vous avez pu choper un code ? Non ? Ooooh, quel dommage. Restez dans le coin.

Qui dit sport dit pom-pom girls.

Donc, acte.

black cheerleader 302303new

95 Big Beautiful Cheerleader

L’expression « donc, acte » n’existe pas. Il y a bien « dont acte », mais j’ai jamais su dans quel contexte il fallait l’utiliser. De toutes façons, c’est plus amusant d’inventer ses propres expressions. Donc, acte.

Et pour clore ce propos, je dirais que hier midi, en regardant une session de motus à la téloche, j’ai instantanément trouvé la réponse, à savoir : « torgnole ».

Soirée boîtale maximaliste

L’évènement a eu lieu fin 2008. Mais je n’ai pas pu faire le résumé avant, parce que j’ai passé du temps à dormir.

Le lieu d’orgie est dans un trou encore plus paumé que d’habitude. Ça se passe à Tuningheim, en frontière de la Rhénanie du sud-sud-ouest. C’est Monsieur Vêtement qui m’emmène dans sa tuture, accompagné de son minicollègue portatif: Wiki-Disney, l’homme qui peut faire l’historique de chaque attraction de chaque disneyland de l’Amériquie. Ah, la culture est partout.

[Oh Bambi, comme c’est triste, tu viens de te faire spoiler ton complexe d’Oedipe par un evil hunter lvl 99. À la mémoire de ton innocence perdue, nous construirons une aire de jeu en coussin-plastique à ton effigie.]

bambi_kaput

Décembre. La nuit est tombée sur le temps qui se couvre. Perdu au milieu d’une forêt sombre, éclitiquement accroché aux abords d’un lac marécageux et embrouillé, un bar-boîte-restaurant-motel de série B lance dans le vide ses appels lumineux périodiques. Monsieur Vêtement parque son auto sur un parking boueux. L’endroit est désert. On s’extirpe de la portière et le froid humide transperce nos habits. Je prends mes rollers, ils constituent mon plan de dernier recours lorsqu’il me faudra rentrer chez moi. Vêtement ne compte pas s’éterniser longtemps à cette soirée, pour cause de forte dépendance aux jeux vidéos.

Nous carillonnons à la grille, et l’écho se perd dans le lointain. Trop tôt encore. Alors nous décidons de faire le tour de ce lac fangeux. La terre grasse se colle à nos chaussures. Pas un souffle de vent. Pas un animal. Les arbres nous scrutent avec un amusement sadique non feint. Le petit air que je sifflote en claquant des dents ne parvient pas à détendre l’atmosphère.

foret_hantee

Le temps s’écoule. Nous demi-tourons et revenons au bar-boîte. La porte est maintenant ouverte, des gens sont là. L’intérieur ne fait pas vraiment motel de série B, mais plutôt entrepôt désaffecté pour meeting gothiques. Des bâches en plastique transparent remplacent quelques murs, un chauffe-clochards est installé pas loin.

chauffe_clochard

clochard

Pour cette soirée, foin de chevaux ni de paris à la con. Il s’agit simplement de présenter les joly résultats de 2008 de Merluchon Corp. Et, contrairement aux apéros de taffioles de chez Berniques S.A., on aura bientôt droit à des kilolitres d’alcool bon marché. Pas tout de suite, car là c’est le moment de malaise social. On cherche à faire la conversation à n’importe qui n’importe comment, pourvu qu’on donne pas l’air de se faire chier tout seul dans son coin. C’est pas toujours pratique que les gros nichons et les jeux vidéos ne fassent pas partie des sujets classiques de l’homme du monde moderne. Chacun essaye deux trois petites choses:

– Un type dit: « Ouais, je fais du sekh. C’est pour ça que je suis pas mouillé ». Alors la blague, elle est déjà pas drôle quand on connaît le contexte, mais là en plus il va falloir l’expliquer. Le « sekh », c’est une partie des logiciels qu’on fabrique. C’est le truc qui commande la vitesse de rotation des pales de la tondeuse en fonction de la solidité de l’herbe. Le nom vient d’une divinité égyptienne à la con, (le Dieu des coordonnées polaires, ou un truc comme ça). Pas de blague avec le mot sexe. Pourtant, « sekh ». Enfin bref.

– Je dis: « Il nous faudrait de l’alcool » en croyant être entouré d’ami. Et en fait y’avait qu’un seul mec à côté de moi, que je connais pas. Il s’est empressé d’absolument pas réagir du tout.

– Bablabla débarque et dit: « alors la garçonnasse, ça va? » Ce qui est l’une des choses les plus bizarres que j’ai entendues de ma vie. (Avec l’indétrônable « Si ça te gratte, faut pas te gratter »).

Sur ce, la réunion-ventilage commence. Braillou se met sur une estrade, on fait un gigantesque cercle carré devant le rétro-projecteur, qui d’ailleurs n’est pas spécifiquement rétro, mais osef, c’est pas le premier truc de l’univers que je pige pas. Et Madame Chouette (la chef de bonshommes) se met toute seule au milieu pour piloter le défilement des z’images, d’une souris de maître(sse).

Comme il faut être rigolo, le power-point de présentation comporte des p’tits dessins, des tondeuses à gazon, et même quelques gifs animés. Pour ceux qui ne connaîtraient l’humanité que depuis peu de temps, il faut savoir que le media « power-point » est l’un des vecteurs les plus importants de la culture de notre espèce. l’UNESCO doit d’ailleurs les regrouper dans une bibliothèque numérique de 800 m de hauteur, implantée au pôle Nord. Mais je m’égare, je m’égare.

Tout continue de bien aller à Merluchon Corp. (Rappelez-vous, nous n’étions que fin 2008, c’était la lointaine et heureuse époque où « la crise » n’était pas encore à la mode). À part ça, tout le chiffre d’affaire se fait sur Deus Unlimited. Braillou fait péter la blagounette habituelle au moment de la page des nouveaux embauchés: « Tout ceux dont les noms apparaissent ont normalement préparé un numéro de claquettes ou de jonglage, et doivent monter sur l’estrade. » (personne ne rigole). « J’espère qu’on n’a oublié personne. Honnêtement c’est possible. » (Personne ne rigole non plus, dommage, parce que c’était pas drôle).

Le blabla continue, j’entends mon téléphone sonner. Panique totale. Je le sors fébrilement de ma poche pour l’éteindre, tout en bredouillant quelques excuses. Ce n’est pas moi qui sonne, mais un connard proche de moi, ayant le même téléphone. Sauf que comme j’ai bougé dans tous les sens, les gens vont croire que c’est de MA faute! Et par-dessus le market, j’ai même pas pu repérer le connard-ninja. Je me calme et répète discrètement à la cantonade que c’est pas de ma faute. Merde! Y’a pas de raison que je porte le chapeau! Ça m’énerve ces conneries. Y’a qu’à moi qu’il arrive des trucs aussi débiles.

Le discours court se finit. Un groupe de musique vient remplacer notre cher chef de comté. Ils essaient d’être comique-troupier en commençant par un enregistrement de fausse annonce de gare SNCF panachée de « ceci n’est pas un exercice » et saupoudrée de bruits de tondeuse à gazon. Un moment total de non-humour. Mais quand on assume, on peut faire n’importe quoi.

Le vin commence à couler à gros bouillons. Mais comme le corps met toujours un petit laps de temps avant de mettre en application l’alcool qu’on lui met dedans, la gêne sociale n’est pas totalement terminée. Heureusement, il y a de la lumière noire:

Moi: Oh, regarde la serviette, elle est toute lumineuse! Il doit y avoir de la radioactivité.
Quelqu’un: Ho ho ho. C’est une marque qui vient de Tchernobyl.

On remarquera la réponse totalement master-of-the-obvious du Quelqu’un. Ça sert à rien de blaguer sur le fait que ça vient de Tchernobyl si j’ai déjà parlé de radioactivité! Mais bon, quand on est pas assez saoul, ben on est pas assez saoul. Que voulez-vous?

La musique démarre, puis se termine, à je sais plus trop quels moments. Je croise SuperGeek, qui me dit que le groupe était assez mauvais. Comme c’est un geek musical, je sais pas trop si il le pense vraiment, ou si il dit ça juste pour la contenance sociale.

Je commence à avoir plein de trucs rigolos dans ma tête. Je me réfugie aux toilettes pour les noter. Entrepôt de gothique oblige, l’ambiance est sombre due aux lumières cassées, et il faut rappuyer sur le bouton-minuterie toutes les 30 secondes. C’est pas un lieu pour avoir la chiasse. Pendant que je consigne mes conneries sur des bouts de papier (feuille-grand-format-petits-carreaux comme on disait à l’école), je réalise que je suis atteint du syndrome du photographe compulsif, mais en version « mode texte ».

Edutainment:
Le syndrome du photographe compulsif existe depuis Monsieur Daguerréotype, mais s’est véritablement répandu avec l’apparition des appareils-photos-caméscope numériques. Il s’agit d’une gêne psychologique vous obligeant à vouloir capturer le plus d’images possible d’un évènement donné, ce qui a pour résultat de vous maintenir en dehors de cet évènement. Il existe, dans chaque famille, au moins une personne atteinte de ce désagrément.

On relèvera également une version « lourde » du syndrome, dans lequel le sujet force son entourage à adopter des poses stupides et des sourires niais durant le rituel de prise d’image, allant jusqu’à s’énerver contre eux s’ils n’obtempèrent pas. (Ce qui supprime totalement les éventuels lambeaux de naturellité qui auraient pu subsister dans les sourires, hu hu hu, paradoxe).

Bon, eh ben moi, j’ai le même syndrome. Sauf que si je m’externalise d’un évènement, ce n’est pas pour prendre des photos, mais pour écrire des absurdités en vue d’articles.

Et là, ça fait déjà un bon paquet d’absurdités.

Je reviens dans les gens. Y’a SuperGeek qui patrouille dans le coin. Mais je peux plus aller discuter avec lui, car je l’ai déjà utilisé. De toutes façons le vide social s’est définitivement estompé, vu que des pelletées de victuailles ont été épandues sur les tables. Je me coule dans la foule, glisse entre quelques épaules, m’arrime à un coin de nappe et commence à bâfrer. Je ne sais pas trop ce que j’ingurgite parce qu’il fait super sombre avec leur ambiance à la con, mais c’est pas vraiment un problème.

Karo la top-model mexicaine vient à passer. Je lui dis bonjour et elle me répond pas. Aujourd’hui, elle est sobrement habillée d’un machin noir, pas de carreaux à l’horizon. (Tiens, qu’est-ce que ça pourrait bien donner un carreau à l’horizon: un rectangle? une droite? hmmm… Faudra que j’étudie la question).

perspective_carreau

Monsieur Vêtement n’est toujours pas parti. Fort bien. Il peut encore me ramener. Les pellicules sur ses vêtements font un mouchetage fluorescent. Enfin je dis ça, mais je viens de regarder mon clavier, c’est un vrai bac à sable. Balam bam tchiiii.

Des gens se prennent en photos, puis regardent les photos, puis rigolent. Finalement, le syndrome du photographe compulsif, c’est parfois générateur de moments de bonheur. Un peu comme dans les pubs de Parfait-Mondie: « provocateur de talents », « initiateur de rêve », etc.

Wikidisney fait une tête bizarre à moitié pas dans le cadre. On se moque de lui. Je sais plus trop pourquoi, mais le sport national du moment, c’est de dire que ce mec est pervers. Personnellement je désapprouve ce genre de quolibets. Si y’a un pervers ici, c’est MOI.

Soudain, voilà que débarque Germaine-Germaine. C’était pas prévu au départ, parce qu’elle pouvait pas faire garder son fils jumeau ou un truc comme ça. Quelques gens sont heureux de sa présence, la plupart des autres s’en foutent parce qu’on est quand même une foule de 200 non-gothiques en train de violer des saladiers de nouilles et des magnums de rouge rouge.

Petite précision: Germaine-Germaine, c’est la Germaine de l’un de mes articles précédents. J’ai décidé de lui mettre un prénom composé, c’est plus rigolo. Elle est cheffe de pièce, et comme on habitebosse dans la même pièce, elle est par là même consécutivement ma cheffe.

Je sais pas comment ça vient, mais je finis par causer de gonzesses avec elle. Je lui dit que Madame Chouette a plus de classe que Jupette. Soudain mon cerveau s’emballe et me fait annoncer, plus ou moins discrètement, que j’aime les nanas bien roulées. Heureusement, tout le monde s’en fout et on part sur autre chose.

Je sais pas trop pourquoi, j’ai pas envie de dire à mes collègues que j’aime bien les femmes rondes. Par contre, ça me dérange pas de le hurler à mes potes, ainsi qu’à la face de l’univers entier. Peut-être que j’assume pas totalement. Si, je crois que si. Mais j’évite de mélanger ma vie privée avec le boulot. Ils ne savent même pas que mon vrai nom c’est Réchèr.

dawn perignon jeans_03

Pour en revenir à Jupette, ça fait un moment que je l’ai pas croisée en train de rigoler et de lancer des trucs sur les gens. Ah ça manque un peu au panache de la soirée quand même.

Je croise Braillou qui discute avec un mec, et j’attrape une phrase corporate rigolote: « Ouais, si ça peut te permettre de gagner du périmètre tant mieux. » Oui, avec Braillou, c’est tutoyage. On est cool nous.

Il se passe plein de trucs à bouffer. Le groupe de musique vient rejoindre le public, je commence à délirer avec eux. J’apprends que ce sont des vrais employés de Merluchon Corp. Je les félicite pour leur assumage total de leur moment de non-humour total au début du concert.

digression:

Une fois, un prof de théâtre m’a parlé des « acteurs studios »: avant une représentation, ils chient en public devant le public. Et après ça, plus rien de fâcheux ne peut leur arriver. « Héros » n’est pas tout à fait le mot exact, mais c’est le premier qui vient à l’esprit.

digression²:

Ça me fait penser à Choke, un roman de Chuck Palahniuk. Un gamin tombe sur des images d’un vieux bedonnant se faisant mettre des marrons dans l’anus par un singe. Le gamin est fasciné, il se dit que, une fois qu’on a fait un tel acte, la honte n’existe plus. On peut assumer tous les travers possibles, on est invincible. D’où le mot « héros ». Il faut que je relise du Chuck Palahniuk.

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Le joyeux groupe de musique de Merluchon est doté d’un Jean-Luc. Donc évidemment, j’anagrammise le terme. C’est très drôle. Le chef de musique s’appelle Medi et je suis suffisamment saoul pour mettre au moins 30 secondes à m’apercevoir que c’est un anagramme de « Demi ». Y’a un type qui filme. Je leur annonce que c’est aussi l’anagramme de « Idem ». Puis mon cerveau trouve « Dime », mais celui-là je le garde pour moi car la conversation est partie sur un autre sujet. Je sais pas trop lequel c’est, tant pis, j’en discute quand-même.

J’en ai marre d’être ridicule, alors je me barre. Je retombe sur Germaine-Germaine. C’est un peu une catastrophe sociale: je dis une connerie de contenance, je termine par « et voilà », et elle répète « et voilà ». C’est complètement absurde. Et ce qui m’énerve le plus c’est que personne se fout de sa gueule. J’ai connu nombre de petits cons, lors de séjours linguistiques en Angleterre, qui auraient explosé en un rire sardonique pour bien moins que ça.

La catastrophe nucléaire sociale totalement révoltante, c’est quand cette andouille de Germaine-Germaine s’amuse à verser son verre de coca dans le verre de vin blanc de Scramasaxe. Et ça la fait rire.

injection

Elle m’aurait fait ça à moi, j’aurais dû faire un travail psychologique titanesque pour pas lui retourner une paire de claque DEREK! Et ça m’aurait fait perdre beaucoup de personnalité et de points de santé mentale. C’est pas parce que l’alcool est gratuit qu’il faut le gâcher.

Et pis si elle est amoureuse de Scramasaxe, elle devrait peut-être changer de technique d’approche. Merde, draguer c’est pas compliqué quand on est une gonzesse: suffit de foutre un décolleté, d’avoir l’air bourrée, et c’est dans la poche.

dawn perignon glouglou

Devant tant de pathétisme, je préfère, une fois de plus, m’enfuir en titubant. J’échoue sur Pied-Agile. (Il y a quelques mois, il s’était foutu une lame de faux dans les arpions pour gagner des congés maladie.)

foot scythe

A part ça, il a le grade de chef de porte, et la fonction de bouc-émissaire-diplomate. Il effectue les liaisons protocolaires entre Deus Unlimited et Merluchon Corp, et se fait donc détester par les deux bords. C’est grâce à lui si la relation donneur d’ordre <-> sous-traitant fonctionne aussi bien. Au lieu que les gens se foutent sur la gueule d’une boîte à l’autre, ils foutent tous sur sa gueule à lui. Je ne manque pas de participer à cette curée à mon petit niveau, dès que j’en ai l’occasion.

Comme il travaille à fond sa détestitude, il fait automatiquement le beau, et me narre l’historique des soirées de Merluchon Corp. (Parce qu’il a bien évidemment tout vu, tout entendu et tout fait) (y compris des trucs avec des lames de faux). Il me dit que c’était mieux avant, que les gens étaient bien plus torchés, qu’à l’époque on savait s’amuser. Ah bah oui hein.

À côté de ça, Blablabla danse sur la piste, et en profite pour bousculer le verre d’un mec. Je me précipite vers le lieu du crime pour rendre justice et énoncer de manière solennelle et prévisible que c’est mal de gâcher l’alcool comme ça. J’essaye de provoquer une bagarre générale, mais apparemment, tout le monde s’en branle qu’un tel gaspillage puisse être perpétré en toute impunité. Y’a plus de respect. C’était mieux avant.

Je reprends de la bouffe puis je la bouffe. Comme toujours dans ce genre d’évènement, on a son assiette dans une main, son verre dans une autre main, et sa fourchette-couteau dans une autre autre main. Vêtement me regarde faire et se fout de ma gueule. Franchement je vois pas comment il peut se permettre ça, vu le grade social de loser benêt qu’il se traîne depuis la maternelle. Ou alors c’est moi qui suis plus bas que lui dans l’échelle du monde. En attendant, il est toujours pas rentré chez lui, c’est bon à savoir.

Une nana s’approche de moi pendant que je suis encore en train de noter des conneries sur des bouts de papelard. Puis elle s’éloigne.

J’en ai marre et j’ai envie de rentrer. Je cherche Vêtement, il s’est barré avec sa voiture et son Wikidisney. Alors comme prévu dans mon plan de dernier secours, je prends mes rollers et je me barre, sans rien dire à personne. Évidemment, au bout de 500 mètres, je me paume, il fait froid, la petite bourgade de Tuningheim dort tous feux éteints. Je suis obligé de téléphoner à ma chérie pour qu’elle me fasse le GPS avec mappy (de toutes façons elle avait rien d’autre à faire à part dormir). Le trajet dure environ 2h30. Moi au départ j’aurais dit moins.

** debriefing du lendemain **

Je m’écroule sur mon siège de bureau. Les gens autour n’arrêtent pas de parler de la soirée d’hier, comme si ça avait été un évènement mondial unique au monde (et c’est vrai, on n’aura jamais exactement la même soirée durant le reste de nos vies. Ouahou).

Germaine-Germaine me dit que j’étais saoul. Bon ça OK. Et elle ajoute qu’à un moment je lui ai fais peur, parce que je me suis énervé contre ses potes: Wikidisney, Scramasaxe et d’autres. Le moment me revient en mémoire. J’ai oublié le sujet de la discussion, mais je me souviens très bien que je ne m’énervais pas. J’avais simplement joué à monter sur mes grands chevaux de façon théâtrale, pour une raison délibérément idiote. C’est d’ailleurs cette idiotie exagérée qui aurait dû la mettre sur la voie de l’ironie.

J’en avais été fier de cette « performance », même si je m’en souviens qu’à moitié. J’avais réussi à construire une scène très enlevée. Mais que voulez-vous, quand les gens pigent rien au théâtre, ils pigent rien au théâtre.

angry actor

Quelques ragots fusent: un mec a dragué une nana et pour ce faire, il a préalablement enlevé sa bagouze de mariage/fiançailles/casage. C’est Germaine-Germaine qui a remarqué ça. Le fait qu’elle l’ait vu fait d’elle, au choix: une fine limière à qui aucun détail n’échappe, une nana qu’a pas quitté des yeux le mec en question, parce qu’elle l’aurait voulu pour elle, ou bien une pauvre fille qui se fait tellement chier dans la vie qu’elle scrute l’humanité entière.

En attendant, heureusement qu’elle est là pour faire péter des ragots aussi funs.

Un autre ragot, plus facile à repérer celui-là: une nana un peu bourrée a dansé partout, avec plein de mecs. Et évidemment y’a maintenant des photos d’elle qui circulent entre collègues. Et ça, moi ça m’énerve.

yiii haaaa VivaLaValerie Viva La Valerie

Si on peut même plus faire n’importe quoi à une soirée boîtale sans se faire espionner ou prendre en photos, où va le monde corporate, foutrerie de caca boudin! Y’a un minimum de respect à avoir envers les « générateurs de ragots », sinon après ils se calment et tout devient morne. morne. morne.

Je suis sûrement mal placé pour dire ça, avec mon blog débile qui raconte n’importe quoi sur des gens qui existent réellement. Seulement voilà, par pudeur et par gentlemanisme, je ne donnerai aucun détail concernant le « mec à la bague » et la « nana bourrée ». Pas de surnom, pas de grade, pas de fonction, pas de description de leur personnalité. Ce sont peut-être des gens dont j’ai déjà parlé, ou pas, dans cet article, ou dans un autre. Vous ne le saurez jamais. Et maintenant, en route vers de nouvelles aventures.